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déjà été obligé de négocier la même affaire avec trois différentes combinaisons de capitalistes, une première fois avec M. Langrand-Dumonceau, quelques jours après avec MM. Frémy et de Rothschild, enfin une dernière fois avec d’autres maisons de banque de Paris et de Londres. Le vice de la combinaison de M. Ferrara, c’est qu’elle est équivoque, qu’elle confond deux ordres d’intérêts, l’intérêt politique et financier, et qu’elle propose à des capitalistes l’accomplissement d’une tâche politique intérieure en Italie, intervention qui de la part d’étrangers serait odieuse. Les capitaux français sont ceux qui jusqu’à ce jour ont prêté le concours le plus considérable aux finances italiennes ; nous croyons que ces capitaux refuseront de s’engager dans une opération ainsi compliquée d’une œuvre politique dont il n’est pas possible à des étrangers d’apprécier la partie morale et les chances pratiques. Se figure-t-on une association de banquiers français se chargeant, pour un lucre douteux, de se faire les recors du gouvernement de Florence contre le clergé italien ? Une pareille combinaison en réalité, si elle compte sur l’aide des capitaux français, est absolument chimérique. Le gouvernement italien, pour faire une chose sûre et sensée, devait entièrement séparer la question financière de la question politique. Il devait se charger seul d’opérer l’appropriation des biens de l’église, l’abolition de la mainmorte, en assurant en échange au clergé la compensation équitable d’un revenu mobilier. Il devait trancher la question de savoir si le clergé conservera le maniement du capital et des revenus mobiliers qui lui resteraient après le prélèvement des 600 millions pris par l’état, ou si le clergé sera salarié. Supposons que le domaine ecclésiastique soit aussi riche qu’on le représente, et que l’état en devienne le propriétaire admis par tous et incontesté, le crédit et le trésor italiens ne tarderaient point à tirer de cette richesse domaniale toutes les ressources effectives qui y seraient attachées. L’Italie n’aurait pas même besoin de recourir à une réalisation précipitée et dépréciatrice de ce domaine. L’existence de cette ressource universellement connue relèverait le crédit de ses rentes, et améliorerait pour elle les conditions des emprunts publics. Il n’y a pas de prestiges en matière de crédit, et l’Italie ne gagnera rien à chercher des mirages dans une hypothèque fondée sur une propriété d’un droit et d’une valeur encore incertains. Elle irait s’égarer, par ces opérations compliquées, dans une confusion ruineuse. Pourquoi, au lieu de s’égarer dans ce laid labyrinthe, M. Rattazzi ne prend-il pas la résolution de faire un emprunt direct et simple, et pour le moment de se charger seul de la commutation de la propriété ecclésiastique ? Mais peut-être M. Rattazzi, d’ailleurs très froid, très patient et très conciliant, n’est-il point l’homme des résolutions nettes et hardies ; puis il n’est pas un ministre heureux : les affaires se gâtent quand il arrive au pouvoir. Si nous étions ses compatriotes, peut-être irions-nous jusqu’à le soupçonner de jettatura.

L’Espagne a, elle aussi, son projet financier. Il parait mieux conçu que