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et de quelque manière que nous ayons essayé de considérer la question, il nous a été impossible, parmi les motifs qui nous ont été proposés ou ceux que nous avons pu imaginer nous-même, d’en découvrir un seul qui nous permît, ainsi que le souhaiterait votre majesté, de déclarer la nullité dudit mariage[1]. » Après avoir constaté que les mémoires qu’on lui avait fait parvenir se contredisaient les uns les autres, le saint-père s’efforçait d’expliquer à l’empereur quelles étaient, au sujet du mariage entre catholiques et protestans, les maximes traditionnelles de l’église romaine.

« La disparité des cultes n’était pas à ses yeux un empêchement dirimant quand il s’agissait de personnes baptisées. Ces empêchemens n’atteignaient que les mariages contractés entre chrétiens et infidèles. Les unions entre catholiques et protestans étaient abhorrées par l’église ; cependant elle n’avait jamais refusé de les reconnaître pour valides. » Entrant alors dans la discussion la plus approfondie et la plus détaillée des circonstances qui avaient entouré le mariage du prince Jérôme et des motifs de nullité que les théologiens français et le père Caselli croyaient y avoir découverts, le saint-père démontrait avec le soin le plus scrupuleux comment il lui était impossible de les tenir pour valables. Un instant il avait espéré avoir rencontré le moyen de se conformer, sa conscience sauve, aux désirs exprimés par l’empereur. Il y avait en effet une cause canonique de nullité qui aurait pu être tirée de la clandestinité du mariage, c’est-à-dire de l’absence du curé appelé naturellement à bénir l’union : cette cause d’empêchement avait été spécialement formulée dans le concile de Trente ; mais par malheur elle ne pouvait être invoquée que dans les pays où le décret dudit concile (chapitre et section 24, de reformatione matrimonii) avait été publié et à l’égard des personnes pour lesquelles il a été publié. Pie VII avait donc ordonné les recherches les plus minutieuses et les plus secrètes aux archives de l’inquisition et à celles de la propagation de la foi pour s’assurer si le décret du concile de Trente avait été publié à Baltimore. On n’avait rien trouvé de semblable. Il résultait au contraire d’autres renseignemens recueillis sur un synode tenu par l’évêque actuel de Baltimore que jamais ladite publication n’avait eu lieu dans cette ville. « Il est donc hors de notre pouvoir, dans l’état actuel des choses, de prononcer le jugement de nullité, disait en terminant le saint-père ;… si nous usurpions une autorité que nous n’avons pas, nous nous rendrions coupable d’un abus abominable devant le tribunal de Dieu, et votre majesté elle-même, dans sa justice, nous blâmerait de prononcer une sentence contraire au témoignage de notre

  1. Lettre de Pie VII à l’empereur Napoléon, juin 1805.