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excellent, d’un esprit si distingué, d’un jugement si calme, qui depuis a été de nouveau le témoin discret de tant d’actes extraordinaires, chaque fois qu’il évoquait le souvenir de cette mémorable journée, se sentait, après de longues années, frappé encore d’étonnement autant que d’admiration.

Ce n’étaient point seulement les affaires de l’Allemagne qui appelaient en ce moment l’attention de l’empereur. Il s’était réservé la conduite des armées destinées à opérer entre le Rhin et le Danube. Pour lui, de ce côté, nulle inquiétude ; sa confiance était entière dans la sûreté des coups qu’il devait porter lui-même. il s’était d’ailleurs ménagé la bonne volonté de quelques-uns des princes allemands dont les territoires allaient supporter les premiers efforts de la guerre. « Ces princes frémissent d’indignation, je les vengerai, s’était-il écrié dans une séance de son conseil, d’où il avait fait sortir les huissiers et les jeunes gens afin de garder plus secrètes les menaces de sa terrible prophétie. Je vengerai en même temps mon honneur et celui de la France… Je briserai cette odieuse maison d’Autriche, que je n’aurais pas dû épargner ; je la réduirai au rang de puissance secondaire. Mes alliés verront qu’ils ont pu se fier à moi et que ma protection n’est pas vaine. Je ferai de la Bavière un grand état interposé entre l’Autriche et moi, et j’irai signer une nouvelle paix dans le palais de l’empereur d’Allemagne… Mon armée est dans le plus brillant état ; je lui ai fait traverser la France sans qu’il y eût un seul déserteur. Partout elle a été accueillie avec transport, et c’est à qui a voulu recevoir et nourrir mes soldats… Bientôt je partirai, et avant que la nouvelle de ce que j’aurai fait soit parvenue chez nos ennemis, je serai au milieu d’eux et j’aurai déjà vaincu[1]. »

L’état de l’opinion publique en France et la situation des affaires en Italie, voilà les seuls points un peu sombres qui, au moment de son départ pour l’armée (septembre 1805), causaient quelques soucis à l’empereur. Le succès de sa campagne d’Allemagne suffisait, pensait-il avec raison, pour lui ramener les esprits des Parisiens, plus inquiets d’ailleurs que mécontens. De l’autre côté des Alpes, le rôle des troupes françaises devait, au début du moins, rester presque exclusivement défensif, car si, en mettant à leur tête le brave Masséna, l’empereur lui avait donné rendez-vous à Vienne, il entendait bien y être arrivé le premier. Masséna avait d’ailleurs en face de lui sur l’Adige l’archiduc Jean, mis à la tête de la principale armée de l’Autriche, et il s’en fallait de beaucoup que les corps de troupes massées dans le nord de l’Italie eussent été recrutés et équipés avec le même soin qui avait présidé à

  1. Mémoires du comte Miot de Melito, t. II, p. 276, 279, 280.