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cherché à représenter la prise de possession de la ville et de la citadelle d’Ancône comme un acte provisoire et de simple précaution militaire, inspiré probablement au commandant français par les dangers de sa marche le long d’une côte exposée aux invasions de l’ennemi. Il n’était pas moins sincère, d’après leur opinion, quand il donnait à entendre que le général Gouvion Saint-Cyr ayant sans doute agi sans instructions, cette occupation ne serait pas maintenue, et que le bon sens et la prudence commandaient d’attendre, avant de se plaindre trop vivement, le résultat des réclamations qu’il allait se hâter de faire parvenir en France. De sa part, il n’y aurait donc eu dans cette occasion ni jeu joué, ni piège tendu à la crédulité du Vatican ; le cardinal, afin d’être mieux en état de remplir le rôle auquel il était destiné, aurait été le premier induit en erreur par ce même grand homme, qui, occupé à tourner par la plus heureuse des inspirations la formidable position des Autrichiens en Bavière, ne dédaignait pas d’employer dans ce même moment les irrécusables facultés de son prodigieux, mais peu scrupuleux génie, à surprendre dans les filets d’une astucieuse diplomatie la confiance d’un pieux pontife, et ne regardait pas davantage à compromettre l’honneur personnel de son propre ambassadeur.

Toujours est-il que le Vatican resta jusqu’aux premiers jours de novembre sans obtenir aucune explication précise du cardinal Fesch et sans savoir ce que signifiait au juste l’occupation inattendue d’Ancône. Plus cette occupation se prolongeait, plus le bruit s’accréditait à Rome qu’elle avait dû être tacitement concertée avec le gouvernement pontifical. Cette assertion, qui rencontrait peu de contradicteurs parmi les membres du corps diplomatique, était insupportable à Pie VII. Il avait patienté aussi longtemps qu’il avait pu ; mais rien n’arrivait de Paris, ni d’Allemagne, soit au Vatican, soit à l’ambassade de France. D’Ancône, on apprenait que les soldats de Gouvion Saint-Cyr réparaient les dehors de la citadelle et la remplissaient de provisions. Le saint-père ne se contint plus, Déjà il avait ordonné au cardinal secrétaire d’état de réclamer par une note officielle contre la violation flagrante de sa neutralité. « Je ne vous laisserai pas seul sur la brèche, avait-il dit à Consalvi, et moi aussi, puisqu’il le faut, je paierai de ma personne, et je viendrai à votre secours. » Le 13 novembre 1805, une lettre cachetée, à l’adresse de l’empereur, fut remise par Pie VII aux mains du cardinal Fesch. Cette date du 13 novembre est importante à noter, car Napoléon, dans sa réponse, que nous rapporterons plus tard, ne craignit point de reprocher à Pie VII de lui avoir écrit cette lettre par suite de la connaissance qu’il aurait eue de la fâcheuse position de l’armée française sous les murs de Vienne, et parce qu’il avait, à la même époque, reçu la nouvelle du