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c’est l’identité spirituelle, œuvre même du Paraclet. Homme et Dieu à la fois, Jésus-Christ est un, et cette unité organique qui nous lie à lui descend du chef au corps[1]. Des liens indissolubles rattachent l’individu à la société, le fidèle à l’église : ce sont les sacremens. La garde de ces sacremens forme le privilège exclusif d’une corporation spéciale se perpétuant elle-même par une loi spéciale. Médiateurs nécessaires entre Christ et son peuple, les hommes de cette corporation se rattachent directement aux apôtres par une succession inviolable, grâce à l’ordination épiscopale et à l’imposition des mains : ce sont les évêques et les prêtres. Seuls ils ont le pouvoir de sacrifier, de juger et d’absoudre, seuls ils sont les régulateurs et les gouverneurs de l’église. Christ a investi ses apôtres et leurs disciples dans l’avenir d’un droit et d’un pouvoir égal d’évangéliser le monde. Ce droit a donné naissance à celui de fonder autant d’églises qu’il y a de nations diverses, suivant les besoins et les aspirations des peuples. Identiques et copotentielles, les diverses églises sont reliées entre elles par des dogmes communs, des sacremens communs, une tradition commune, ce sont parties intégrantes d’un même tout. Chaque église cependant est parfaite en elle-même, et dans son unité particulière forme un des élémens constitutifs de l’unité générale. Œuvre des apôtres, ces unités particulières sont égales entre elles comme l’étaient entre eux les apôtres ; elles n’ont au-dessus d’elles que la grande église visible, œuvre de Christ, comme les apôtres n’avaient au-dessus d’eux que Christ lui-même. Il en résulte qu’en elle-même chaque église possède les quatre qualités primordiales qui sont l’essence même de l’église universelle, l’unité, la catholicité, l’apostolicité, la sainteté.

Après la métaphysique vient l’histoire. La doctrine anglo-catholique nous montre dans les premiers siècles chrétiens toutes les églises égales en puissance, et dès cette époque la Bretagne brillant d’un vif éclat. Rome alors ne s’élevait pas au-dessus de ses sœurs en Jésus-Christ, mais déjà l’ambition avait mordu le cœur des pontifes de la ville éternelle. A la chute de l’empire d’Occident, ces évêques font alliance avec les barbares pour écraser les autres églises ; la Bretagne n’échappe point à la cruelle destinée de l’Occident. Bientôt aussi la lutte s’engage avec l’Orient, les légats du pape jettent le mot de schisme et déclarent à jamais divisée la société fondée par Christ. Ils se trompaient : l’unité, cette essence primordiale de l’église, n’avait pu être rompue, et la grande robe sans couture était demeurée intacte. Sur la souche commune, qui n’avait produit jusqu’alors qu’un rameau solitaire, un rejeton plus

  1. Pusey, Eirmicon.