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cantilène nasillarde de la liturgie, la confession auriculaire, toutes ces absurdes pratiques sont recommandées par nos prêtres et nos évêques. Fils indignes de l’Angleterre, ils ont été les premiers à souhaiter le pouvoir de l’étranger. » Dans les deux chambres, plusieurs interpellations furent adressées aux ministres. Accueilli par des hear répétés, lord Shafstesbury s’écria : « Que font donc nos évêques ? et comment n’ont-ils pas encore étouffé la trahison tractarienne ? Sans doute parce que, eux aussi, ils en sont complices… Eh bien ! que l’église-basse se réunisse, et qu’elle affirme de nouveau l’œuvre de la réforme ! »

Au milieu de cet universel déchaînement, la perplexité des anglo-catholiques était extrême. Bornées jusqu’à ce jour à de pures questions de théologie, leurs doctrines n’étaient pas encore arrêtées sur tous les points d’organisation politique. Quelques opinions isolées avaient été émises à ce sujet, mais la plupart d’entre elles étaient contradictoires. Aussi, effrayés des colères accumulées et inquiets de l’audace de Rome, plusieurs membres du mouvement sentirent faiblir leur courage. « On nous croit ennemis de l’état, répondirent-ils ; on se trompe. Catholique comme nous-mêmes, l’état n’est-il pas depuis trois siècles notre plus chère sauvegarde ? Acceptons les faits accomplis : suprématie dogmatique et disciplinaire de la royauté, participation du parlement dans les affaires de foi, caractère purement consultatif des convocations, admettons tout sans conteste ; dans l’obéissance à la couronne est le gage de l’unité. » Quelques-uns même, allant plus loin, osèrent renier une partie de leurs propres doctrines. Ils prétendirent qu’à la royauté avait de tout temps appartenu la suprématie, et qu’Henri VIII n’avait fait qu’invoquer le divin droit de ses prédécesseurs-. « Point de variété d’opinions, mais l’unité ; point de licence égale donnée au sage et au fou de choisir son guide, mais une harmonie ordonnée, en un mot une pensée suprême prescrivant une règle à l’ignorance, telle est la seule loi que les hommes raisonnables doivent désirer pour eux-mêmes et pour leur pays[1]. » Certes, dans ce bill d’indemnité accordé à l’usurpation d’Henri et d’Elisabeth, il y avait une honteuse rétractation ; bien plus, c’était pousser l’église d’Angleterre dans les tristes voies suivies jadis par l’église d’Orient.

Ces lâchetés indignèrent la plupart des membres de l’église anglo-catholique. « Non, répliquèrent-ils à leur tour, nous ne marchons pas vers Rome, nous qui sommes nés d’une réaction contre elle ; mais, pas plus que nos prédécesseurs n’ont voulu de la suprématie étrangère, nous ne voulons d’une tyrannie intérieure. La

  1. Froude, History of Henry VIII, I.