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qui la détournaient de toute grande affaire extérieure. En Europe, le souffle de la réaction courait partout, de telle sorte que cette malheureuse médiation dépendait de mille circonstances, de ce qui se faisait chaque jour en Italie, de ce qui se passait en France, des fluctuations incessantes du mouvement européen. C’est dans ces conditions cruelles que Pasini avait à suivre une négociation toujours fuyante, qu’il restait chargé de défendre Venise, d’abord sans la séparer de l’Italie tout entière, puis seule en définitive, si l’on ne pouvait faire autrement. Pendant un an, il remplit cette mission en plénipotentiaire habile, qui en vint bientôt à se faire écouter en Angleterre et en France. Si la cause avait pu être gagnée, elle l’eût été sans doute par ce négociateur intelligent qui était au fait de tout, qui étonnait par la variété de ses connaissances autant que par la sûreté de ses vues, et dont les dépêches rappelaient les belles relations de la diplomatie vénitienne. C’est à lui surtout que Manin faisait allusion plus tard quand il écrivait : « J’ai montré que notre terre natale, féconde en toute espèce de grandeurs, produit encore non-seulement des soldats pour combattre virilement sur le champ de bataille et des martyrs qui meurent héroïquement, mais des hommes d’état et des diplomates de premier ordre. »

La vérité est que dans cette confusion des affaires italiennes Pasini gardait un esprit ferme et net, et que personne n’a rien ajouté de sérieux à ce qu’il écrivait dans plusieurs mémoires sur Rome, notamment dans celui Où il réfutait l’opinion de ceux qui veulent voir dans une royauté temporelle la sauvegarde nécessaire du pouvoir spirituel. Toute la question romaine est là, dans ces mémoires substantiels et décisifs, qu’on n’a fait que répéter mille fois depuis ; mais sur ce point il avait trop à faire pour convaincre à cette époque des esprits accoutumés à une tradition politique et déjà engagés dans l’expédition qui allait aboutir à la restauration pure et simple de la papauté temporelle. On le consultait évidemment sur les affaires de Rome, puisqu’on lui demandait ces mémoires ; on se laissait peu toucher à la vérité. On l’écoutait plus volontiers quand il parlait de Venise, dont on reconnaissait les droits, l’héroïsme et la touchante infortune. Malheureusement on n’en faisait pas plus, et Venise, elle aussi, souffrait de la mauvaise humeur que causaient les affaires du reste de l’Italie. Pasini, sans se décourager, multipliait les démarches, les communications et les exposés. Il épiait toutes les occasions possibles, tous les mouvemens de l’opinion réveillée de temps à autre par un cri de détresse venant de l’Adriatique. Il tenait ferme dans la situation difficile qui lui était faite, et un homme d’esprit et de sagacité, Varnhagen, qui était alors à Paris, le peint au vif dans une note de son journal : « Visite de