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GENTILSHOMMES, BOURGEOIS
ET
VALETS DE LA COMEDIE

On a remarqué que chaque siècle prend un costume nouveau, conforme à ses goûts et à ses habitudes. Au moyen âge, l’homme est habillé de fer : sa vie en effet est un combat. Le XVIe siècle, moins rude déjà, mais belliqueux encore et fanatique, porte le justaucorps de buffle et la longue rapière : c’est l’équipement du sombre ligueur et du routier des guerres d’Italie. Aux perruques majestueuses, aux chapeaux à plumes, aux manches bouffantes, aux canons enrubannés, vous reconnaissez le siècle de Louis XIV : le gentilhomme, devenu courtisan, vit moins au camp que dans les antichambres. Le XVIIIe renonce à l’ampleur théâtrale d’un costume peu fait pour ses mœurs : c’est l’âge du clinquant, du velours, de la soie, de la poudre et des hauts talons rouges : la petite épée à la poignée de nacre se porte plutôt comme un bijou que comme une arme de défense. Le XIXe enfin, siècle de paix et de travail, laisse l’épée aux soldats ; il prend l’habit noir égalitaire et l’affreux cylindre démocratique. On peut étendre cette observation et l’appliquer également aux mœurs, et c’est justement là ce qui fait l’intérêt principal de l’étude de la comédie.

Si le théâtre en effet n’était que la représentation abstraite des vices et des passions, il ne faudrait pas plus y chercher le tableau des mœurs du passé que dans les traités philosophiques de Cicéron ou de Sénèque ; mais le théâtre est avant tout l’imitation de la vie. Pour un moraliste comme La Bruyère par exemple, l’hypocrite n’est ni un Français ni un contemporain ; c’est un être de raison qui est de tous les temps et de tous les pays. Le philosophe rassemble tous les détails que l’étude et la réflexion ont pu