Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pouvant consentir à le vendre à son profit, refusa systématiquement toute autorisation nouvelle. On a dit souvent que les différens souverains qui se sont succédé en France depuis 1815 avaient parfois, donné à leurs amis ou à leurs serviteurs le droit de créer 100, 200 fiacres, que ce droit, immédiatement transmis à un entrepreneur, leur valait une somme considérable : rien n’est plus faux ; les chiffres que je viens de relever le démontrent avec évidence.

En 1855, on crut, pour assurer le bon fonctionnement d’un service qui devenait plus important de jour en jour, devoir réunir sous une seule direction toutes les voitures de remise ou de place ; ce fut alors qu’on institua la compagnie impériale des voitures de Paris, qui, moyennant indemnité stipulée, racheta tous les numéros roulans dont les propriétaires consentirent à cette nouvelle combinaison. Cependant la fusion ne fut pas imposée : elle resta facultative ; 1,850 cochers ne voulurent pas profiter des avantages qu’elle offrait et restèrent libres. C’était un monopole qu’on venait de créer, mais il était singulièrement amoindri par les charges qu’il acceptait. En effet, l’autorité municipale contraignit la compagnie à établir ses dépôts en dedans du mur d’enceinte et par conséquent l’assujettit à l’octroi ; de plus elle exigea un accroissement considérable de matériel et de cavalerie. Par suite de l’annexion de la banlieue, les distances se trouvaient au moins doublées, mais le tarif restait le même et tel qu’il était en 1800 ; en outre chaque voiture était frappée d’une taxe fixe de 1 franc par jour pour droit de stationnement[1]. Par suite de ces mesures, il y eut du malaise dans la compagnie ; ce malaise ne fit que s’accroître avec le renchérissement des terrains, des loyers, des denrées, des fourrages, et il aboutit à la grève du mois de juin 1865. Certes les cochers pouvaient suspendre leur travail, délibérer entre eux, faire connaître leurs griefs, tâcher d’obtenir des conditions meilleures et demander qu’on augmentât leur salaire, qui était de 3 francs par jour, non compris les pourboires ; mais ils sortirent violemment de leur droit et se mirent dans leur tort en voulant empêcher la compagnie de les remplacer, de veiller aux intérêts du public et de faire conduire les voitures par des cochers de hasard. Il y eut des injures, des menaces, des horions, des rixes, et la police correctionnelle s’en mêla. Les cochers reprirent le fouet, l’uniforme, le chapeau de cuir, remontèrent sur leur siège, et tout fut dit. L’expérience cependant avait porté ses fruits ; on changea brusquement de régime, et du monopole on passa à la liberté absolue. Le décret du 25 mai 1866 dit

  1. Décret du 16 août 1855.