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Lorsqu’un cocher charge à la place ou sur la voie publique, il doit inscrire sur sa feuille l’heure, le point de départ, le point d’arrivée ; à chaque station, il fait viser ce bulletin par l’inspecteur. Le soir, lorsqu’il rentre au dépôt, il remet entre les mains d’un agent spécial sa feuille et le gain de la journée, après avoir prélevé les 4 francs qui constituent actuellement son salaire quotidien ; puis il va se coucher où il veut, à son domicile, s’il est marié, le plus souvent dans un garni, s’il est célibataire. Les laveurs s’emparent alors de sa voiture, couverte de poussière ou de crotte ; ils l’aspergent à grande eau, la brossent, la fourbissent rapidement et la remisent à son numéro d’ordre ; pendant ce temps, les palefreniers détellent les chevaux, les lavent, les étrillent, les bouchonnent, les attachent au râtelier sur une litière abondante, et les mettent à même de réparer leurs forces épuisées par la fatigue. Le lendemain matin, à l’heure réglementaire, lorsque le cocher arrive, il trouve ses chevaux pansés, nourris, attelés, sous des harnais propres, à une voiture nettoyée. Avant qu’il ne parte, un maréchal ferrant a visité les pieds de ses chevaux ; un charron a examiné avec soin les roues, les ferremens, a frappé sur les essieux, a tâté les écroux de la voiture, et un vitrier a vérifié si les glaces ne sont point cassées. Le cocher va chercher sa feuille, il monte sur son siège et se rend à la station de son choix. Et tous les jours il en est ainsi.

La Compagnie générale construit elle-même ses voitures ; elle achète le bois en grume, le fer en barres, le cuir en tas. Dans ses immenses ateliers de carrosserie, où les scies à vapeur et les marteaux-pilons ne sont jamais en repos, on se hâte, on se presse afin que les voitures mises au rebut soient remplacées sans que le public ait jamais à souffrir de retard ; on tresse les licous, on taille les caparaçons, on rembourre les coussins, on coud les passementeries ; c’est un monde d’ouvriers qui s’agite et pousse annuellement sur le pavé de Paris plus de 500 voitures neuves, estimées en moyenne 1,007 fr. 66 cent. Le chêne, l’érable, l’orme, le sapin et le peuplier sont les essences généralement utilisées par le charronnage et la carrosserie. Quelle est la durée de la vie moyenne d’une de ces voitures surmenées, et qui semblent toujours errantes comme des âmes en peine ? Dix ans au moins, douze ans au plus. Malgré la quantité considérable de voitures qui se meuvent dans Paris, les accidens sont relativement rares et ne sont presque jamais irréparables. En 1866, sur les 4,500 voitures qu’elle possédait, la