Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

carrés couverte d’un vitrage, et qu’anime le mouvement des cochers sifflant et chantant. C’est là en effet la remise proprement dite et l’atelier de lavage. On n’y ménage pas l’eau, ni le tripoli pour le cuivre, ni le blanc d’Espagne pour le plaqué, ni le cirage pour les harnais. Derrière ce vaste hangar vitré s’arrondit une petite cour, où souffle la forge, où les maréchaux visitent et ferrent les chevaux.

Au premier étage s’étendent les magasins, d’où les voitures sont descendues à l’aide d’un treuil puissant, facile à manœuvrer. Dans de larges salles sont rangés les carrosses, ainsi qu’on eût dit autrefois : calèches à huit ressorts, berlines, coupés Dorsay, landaws, sont pressés les uns contre les autres, tout luisans de vernis et prêts à aller briller aux Champs-Elysées. A côté, la sellerie renferme les harnachemens. C’est là que l’on vient choisir sa voiture, quand on veut se donner ce luxe sans en avoir l’embarras. On habille le cocher au goût le plus nouveau, on lui fait au besoin une livrée spéciale que l’on peut broder sur chaque couture. Tout se paie, spécialement la vanité ; sur les panneaux, on peint toutes les armoiries, toutes les couronnes imaginables. Une calèche à huit ressorts, attelée de ses deux chevaux assortis, se loue 1,200 francs par mois, plus 150 francs pour le cocher ; si l’on veut un valet de pied, c’est 6 francs par jour ; un chasseur coûte plus cher à cause des épaulettes, du baudrier et du chapeau à plumes. Si l’on est de si grande maison qu’il faille des gens poudrés, rien n’est plus simple. Il y a un cabinet de toilette spécial où on les enfarine avec élégance ; les jours de course, on les coiffe d’un catogan pour en faire des postillons ; au frontal des chevaux on ajoute des queues de renard, on leur attache des grelots, au cou, et le public naïf admire votre équipage. Grande remise que tout cela, tant par mois et quelquefois tant par heure ! — Un employé me disait : Nous faisons toutes les noces huppées ! Je le crois sans peine. Pour ces sortes de cérémonies, l’administration fournit jusqu’aux bouquets de fleurs virginales qui décorent la boutonnière des cochers. On transporte les ministres, les ambassadeurs, les riches étrangers de passage à Paris ; en un mot, on sert le luxe, et le grand comfortable.

Comme on l’imagine, les dépôts des voitures de place n’ont pas cette luxueuse installation ; ils sont curieux cependant, car ils répondent à tous les besoins qui peuvent se présenter ; il faut en effet être prêt à parer à toute éventualité et n’être jamais pris au dépourvu. Sauf des détails peu importans, les dépôts se ressemblent singulièrement, et celui de l’avenue Ségur donnera au lecteur une idée générale de l’organisation de tous les autres. Une immense cour est occupée sur chacun de ses quatre côtés par un bâtiment