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dégoûtante, empruntée aux chameaux » et employée contre la constipation, les cautères surtout, tels sont les principaux remèdes. En chirurgie, les Arabes sont d’une ignorance absolue. Ils pratiquent peu la saignée, et c’est fort heureux, s’ils procèdent toujours comme le docteur Hannoush, que son confrère et ami M. Palgrave vit un jour employer une hachette pour saigner un malade. Aussi le voyageur anglais pousse-t-il du fond du cœur un cri d’humanité en invitant les docteurs de Paris et de Londres à aller s’établir à Hayel lorsqu’ils le pourront. Pour lui, son itinéraire était arrêté ; il ne lui était pas permis de séjourner plus longtemps dans la capitale da Djebel-Shomer, et il allait se diriger vers la ville de Riad, capitale du Nedjed et du royaume wahabite.


II

La route d’Hayel à Riad ne ressemble en rien à celle que les voyageurs avaient suivie depuis leur entrée en Arabie. La distance entre les deux villes est d’environ cent vingt milles. Ici, plus de déserts, plus de simoun, peu de Bédouins nomades, mais des villages se succédant à courtes distances, parfois de grandes villes, des caravanes de marchands ou de pèlerins circulant avec sécurité, de l’eau en abondance, un sol fertile, une nature verte et riante. C’est bien en vérité l’Arabie heureuse, telle que M. Palgrave nous l’a découverte et l’a décrite pour la première fois. Après six jours de marche, il passa la frontière du Djebel-Shomer et entra sur le territoire du Nedjed par la belle province du Kasim, l’une des plus riches et des plus pittoresques régions de l’Arabie. Elle forme le point culminant de la péninsule, l’arête centrale d’où le sol, par une déclivité continue, s’abaisse insensiblement d’un côté vers la Mer-Rouge, de l’autre côté vers le golfe Persique. Le sommet du plateau représente une vaste plaine dont le sol est fécondé par les pluies, qui s’emmagasinent en quelque sorte dans des puits naturels, d’où le moindre effort les fait rejaillir à la surface. Dans les vallées inférieures, l’eau du ciel, jointe aux réservoirs des plateaux, se condense et s’accumule de manière à donner naissance à des lacs, à des rivières, qui coulent parfois en torrens pour aller se perdre dans l’océan de sable qui entoure l’Arabie. Quand les géographes observent un volume d’eau, ils veulent le suivre et savoir où il aboutit, dans quel grand fleuve, dans quelle mer il se jette. En Arabie, ces patientes recherches seraient vaines. La péninsule garde pour elle toute l’eau qu’elle reçoit ; l’océan n’en prend point la moindre goutte. Les sables toujours altérés sont là pour absorber au passage le trop-plein des ondes bienfaisantes que la Providence verse sur la terre. Il existe ailleurs des fleuves dont on ne connaît