Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dynastie de Saoud, et qui ne saurait aboutir à une révolution religieuse, pas même en Arabie, où le wahabisme rencontre déjà de nombreux adversaires. Les observations personnelles que M. Palgrave recueillit pendant son séjour à Riad démontrent mieux que ne le feraient tous les raisonnemens, à quel point la prétendue réforme de Wahab est incapable de fonder un état politique et un système religieux. Le meilleur moyen d’apprécier des institutions est de voir les hommes et les mœurs qu’elles produisent, de même que l’on juge l’arbre par ses fruits.

La caravane avec laquelle M. Palgrave était venu à Riad comprenait un ambassadeur persan avec sa suite, chargé de réclamer auprès du roi Feysul contre les exactions et les avanies dont les pèlerins de la Perse avaient été victimes en traversant le Nedjed. Il s’y était joint deux habitans de La Mecque, qui ne se donnaient d’autre profession que celle de mendians ambulans, quêtant l’aumône sous l’invocation de Dieu et de Mahomet. C’était donc, avec M. Palgrave et son acolyte, qui se présentaient comme originaires de Syrie, sollicitant la permission d’exercer la médecine, une véritable avalanche d’étrangers qui fondait tout d’un coup sur Riad. Importuné par l’arrivée de cet envoyé persan, dont les griefs étaient légitimes, plein d’horreur pour ces gens de La Mecque, qui professaient sans doute des doctrines impures, peu édifié sur l’authenticité de ces Esculapes syriens, qui n’avaient que faire dans sa capitale, Feysul prit peur ; il rêva trahison, embûches, assassinats, toutes choses que peut assez raisonnablement soupçonner un souverain arabe, et il partit pour la campagne, laissant à ses ministres le soin de veiller au salut de l’état et de sa personne. Disons tout de suite qu’on se débarrassa promptement des Mecquains, qui n’étaient que de pauvres diables faciles à éconduire ; l’envoyé persan, après des négociations assez longues, obtint la promesse d’une indemnité et d’un meilleur traitement pour ses nationaux, la cour de Riad ne voulant point se brouiller avec la Perse. Quant à M. Palgrave, il va nous apprendre comment il réussit à résider quelque temps dans la capitale du Nedjed et à en sortir sain et sauf.

On lui dépêcha d’abord plusieurs espions qui, sous prétexte de l’interroger sur des maladies plus ou moins imaginaires, vinrent successivement lui faire subir des interrogatoires très serrés sur ses antécédens et sur le but de son voyage. Cette première épreuve ne lui fut pas, à ce qu’il paraît, des plus favorables ; Feysul tint conseil, et les avis s’ouvrirent. Enverrait-on les étrangers dans l’autre monde ou les inviterait-on simplement à repasser la frontière ? Telle était l’alternative peu rassurante qui fut longuement discutée. On se décida pour l’expulsion. Heureusement les ministres nedjéens ne sont point incorruptibles. Deux livres de bois de senteur, parfum