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imputable qu’à la diminution du nombre des naissances, et par conséquent c’est sur ce dernier point que doit se concentrer l’attention.

A quoi attribuer un pareil fléau ? Si l’on parvient à en discerner les causes, il sera peut-être possible d’en triompher, ou du moins d’en atténuer assez promptement la gravité. Notre sang s’est-il appauvri ? circule-t-il moins vite qu’autrefois dans les veines de la jeunesse ? Notre constitution physique est-elle altérée, et notre race porte-t-elle écrits sur son front les signes visibles d’une prochaine caducité ? Nous reviendrons bientôt sur cette hypothèse ; mais en ce moment nous l’écartons sans discussion comme un danger possible dans l’avenir, si l’on n’y veille, mais, Dieu merci ! encore inconnu du temps présent. Les causes du mal que nous étudions ne résidant pas en nous-mêmes, c’est-à-dire dans l’énervement de notre race, il faut donc les chercher dans les institutions et dans les mœurs, C’est là en effet qu’elles apparaissent, et quelques-unes avec un degré d’évidence qui rend toute contradiction impossible. Des causes purement morales, celle qu’on croit la plus meurtrière, c’est l’erreur de Malthus, et comme il s’agit ici d’un acte mystérieux, entièrement soumis au libre arbitre, ce n’est qu’indirectement que le législateur peut agir contre un tel abus ; mais il le peut pourtant, et d’une manière efficace, en corrigeant avec prudence deux institutions qui concourent à dépeupler la France, c’est-à-dire en agissant sur les causes qui sont à divers degrés sous sa dépendance.

Les deux institutions qui retardent et menacent d’arrêter le mouvement ascendant de la population ne sont point de même nature ; l’une est essentiellement religieuse, l’autre est exclusivement politique : c’est la constitution de l’armée. Nous ne ferons qu’effleurer la question religieuse ; quelque importante qu’elle soit, il y faut toucher avec ménagement, car le célibat ecclésiastique est volontaire, et tant que subsistera le concordat, tant que l’église et l’état, au lieu de vivre dans une indépendance mutuelle, croiront devoir s’appuyer l’un sur l’autre, le gouvernement n’aura qu’une action très, limitée contre la multiplication peut-être exorbitante des célibataires de profession, à la plupart desquels il assure lui-même des moyens d’existence. Les ministres du culte catholique, émargeant au budget sont au nombre de 42,527. Ajoutez à ce chiffre. 17,776 religieux et 90,343 religieuses, le tout disséminé en 14,030 couvens, ce qui représente en moyenne près de 200 couvens par département. Voilà donc irrévocablement engagés dans le célibat 150,648 personnes de tout sexe, population équivalente à celle d’une très grande ville, et cette population, qui s’est condamnée à une stérilité perpétuelle, au lieu de diminuer, augmente sans cesse, généralement aux dépens de la population