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elle eût été toujours placée sous le contrôle vigilant et complètement efficace du pays ? bien des erreurs, bien des fautes, bien des déceptions. auraient été prévenue ? L’histoire de ces cinq années terminée par l’alerte du Luxembourg n’aura-t-elle rien appris, rien dit à l’esprit et au cœur du pays, de nos hommes d’état et surtout du pouvoir lui-même ? Nous ne voulons point croire pour notre part à la stérilité d’une expérience si vivante et si parlante.

Ce qui ressort donc des événemens de ces cinq années et des situations qu’ils ont produites, c’est la nécessité pour la France d’assurer à la nation une étroite et puissante autorité sur la direction de sa politique étrangère et de renoncer au système des inventions de politique extérieure inspirées par le caprice personnel, couvées dans le mystère, éclatant arbitrairement par des surprises. On se confirmera davantage dans cette conclusion, si l’on examine l’état dans lequel la conférence de Londres laisse la politique générale de l’Europe.

Le fait dominant dans la situation européenne est et sera longtemps encore le parallélisme de la France et de l’Allemagne, dirigée par la Prusse. Il y a là, — nous ne voudrions point prononcer au lendemain d’un traité qui assure la paix le mot fâcheux d’antagonisme, — une concurrence, une émulation, qui peuvent, qui devraient être généreuses et tourner au profit des deux peuples. La France et l’Allemagne prussienne, sans nourrir l’une envers l’autre des sentimens hostiles, sont forcées de s’observer. Elles doivent régler leur travail politique intérieur et extérieur sans se perdre de l’œil. Nous éprouvons, quant à nous, les premiers effets de cette concurrence dans la nécessité où nous sommes d’accroître et de consolider notre organisation et notre préparation militaires. Dès que l’on a pu saluer les premières lueurs de paix qui ont brillé autour de la conférence de Londres, d’excellentes personnes se sont mises à parler de l’opportunité d’un désarmement simultané de la Prusse et de la France. Le vœu est louable, mais il est peu probable qu’il soit bientôt exaucé. La constitution militaire de la Prusse, ce sera bientôt celle de toute l’Allemagne, est telle que des réductions de l’armée active ne changent rien à la force d’agression et de défense : les Allemands auront toujours leurs hommes formés par le service universel et obligatoire de trois ans ; ils auront leurs arsenaux remplis, leur administration militaire prête, et seront en mesure de faire toujours en très peu de temps leurs levées et leurs concentrations. Le système français ne fournit point les mêmes facilités. Nous ne pouvons point réduire notre armée active aux proportions de l’armée active allemande. La Prusse agit sur une organisation et une préparation toutes faites et qui viennent de servir avec la puissance que l’on connaît. En présence de l’état de choses que les derniers événemens ont révélé ou créé en Allemagne, la France s’est trouvée arriérée au point de vue de l’organisation et de la préparation. Dans cette première période, où il s’agit d’établir un