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prussien en faisant accepter ses bons offices et lui rendant le service d’un arbitrage actif et empressé. La Russie, qui a cessé de se recueillir, a pris vivement part à la réunion et à la délibération, des puissances. Un semblant d’autorité collective de l’Europe s’est donc reconstitué, et si des questions générales s’élevaient encore, il est probable qu’on reprendrait goût à les traiter ensemble et à prévenir les chocs violens. Nous n’avons guère le droit d’être optimistes ; il ne faut pas cependant refuser d’admettre ces nouvelles tendances parmi les garanties de la paix générale. Une circonstance heureuse, croyons-nous, et qui a beaucoup contribué au prompt succès de la conférence, c’est en Angleterre la présence de lord Stanley au foreign-office. les qualités personnelles du jeune ministre se sont montrées en cette occasion sous leur meilleur jour. Lord Stanley est, avant tout, un homme pratique qui maintient ses idées sous la discipline de la plus exacte logique. Il est franc et simple. Sous sa présidence, une délibération ne pouvait pas s’écarter de la ligne droite. Un moment, on lui a reproché un peu de timidité. Il paraissait hésiter à engager la garantie de l’Angleterre dans la neutralisation du Luxembourg ; mais, comme il était visible que l’adhésion des puissances à cette neutralisation était la condition essentielle de la paix, il a vite dominé ses scrupules excessifs. La célérité des travaux de la conférence semble avoir été pour lui uni sujet d’orgueil. Son ton dans ses explications à la chambre des communes sur la conclusion du traité était animé d’une émotion de joie contenue qui a été partagée par l’auditoire. Quand nous voyons la simplicité et la cordialité naturelle avec laquelle les ministres anglais répondent aux questions qui leur sont adressées dans les chambres, il nous est impossible de ne point faire un retour pénible sur les procédés ministériels français dans les circonstances analogues. Ici nous gâtons tout par de raides formalités ; le pouvoir se croit toujours obligé de faire sentir sa domination et sa supériorité ; il ne sait point être naturel, nous mêlons à tout une solennité pédantesque. Au lieu de donner les explications aux chambres avec la rondeur et la bonne grâce qui animent la vie politique et lui prêtent les aménités de la vie de société ; nous affublons nos ministres d’uniformes, et nous les envoyons aux « grands corps de l’état » munis de petits papiers couverts d’un texte fixé invariablement que ne peut échauffer ni colorer le sentiment intime et spontané de l’orateur. Cette mise en scène est par trop classique ; le romantisme anglais est plus vivant et plus amusant.

Tandis que lord Stanley travaillait à son succès diplomatique, M. Disraeli continuait à poursuivre laborieusement dans la chambre des communes le succès de son bill de réforme. On peut affirmer aujourd’hui que cette toile de Pénélope sera terminée dans cette session. M. Disraeli a toujours été fidèle à la même tactique, étudier le sentiment de la majorité de la chambre des communes et y céder lorsque ce sentiment se manifeste contre quelque clause du projet ministériel. Le droit de suffrage dans les bourgs