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de locomotives et d’usines déversent sans cesse au-dessus de nos têtes sont l’un des inconvéniens les plus sensibles que produise le voisinage des usines. Le mode de s’en préserver est simple et pour ainsi dire élémentaire ; il consiste à élever les cheminées aussi haut que possible. Les cheminées de nos villes manufacturières, qui donnent au paysage un aspect un peu monotone, mais assez original, ont d’ordinaire de 30 à 40 mètres de haut, ce qui est presque autant que la colonne de la place Vendôme. À Rouen par exception, on en voit une de 74 mètres. Les industriels anglais ont été contraints de les monter bien plus haut. La ville de Glasgow en montre avec orgueil quelques-unes qui sont des monumens ; l’une d’elles mesure 142 mètres de la base au sommet, c’est-à-dire qu’il n’y a dans le monde que deux édifices plus élevés, la plus haute des pyramides d’Égypte et la flèche de la cathédrale de Strasbourg ?

Au fond, c’est un procédé imparfait que de se débarrasser des gaz incommodes en les lançant très haut dans l’atmosphère, car ces émanations gênantes, que rien ne vient neutraliser, retombent sur le sol un peu plus loin ; on ne fait que reporter à une grande distance, en l’atténuant il est vrai, le dommage dont aurait souffert le voisinage immédiat de l’usine. Le perfectionnement efficace serait de construire des foyers fumivores. Par ce mot, on ne doit pas entendre, ainsi qu’on serait tenté de le faire, que les foyers ne dégagent plus aucun des produits de la combustion, mais que les gaz émis par la cheminée ont été dépouillés des matières charbonneuses qui les épaississent. L’autorité publique fut longtemps très tolérante à ce sujet, sous le prétexte assez réel que le problème de la fumivorité n’était pas encore résolu. En théorie, c’est un problème assez simple, puisque le charbon de terre ne dégage qu’une fumée translucide toutes les fois qu’il est brûlé en présence d’une suffisante quantité d’air. Suivant que le chauffeur conduit bien ou mal le feu, la fumée noire disparaît ou se montre de nouveau. Les inventeurs se sont proposé d’imaginer un foyer si bien disposé, que la régularité de la combustion fût indépendant de la négligence de l’homme : de là quantité d’inventions qui réalisent dans une certaine mesure l’objet que l’on avait en vue. Un décret récent, qui a imposé à tous les industriels l’obligation de brûler leur fumée, paraît susceptible d’être mis à exécution sans que les propriétaires d’usines aient trop à s’en plaindre. Cette fois encore il ne manque qu’une surveillance efficace pour que le but soit complètement atteint.

Si la fumée de la houille affecte nos sens d’une façon désagréable, d’autres gaz d’une composition chimique différente, agissent comme un poison mortel sur les végétaux. Les vapeurs nitreuses et sulfureuses que dégagent les fabriques d’acide sulfurique, l’acide