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Au Havre, l’eau des bassins du port, retenue à marée haute, permet de faire des chasses journalières à travers le réseau des égouts ; les immondices en sont expulsées par ce mode énergique de curage, en même temps que l’atmosphère souterraine est renouvelée et assainie. En quelques villes de fabrique où certains produits chimiques peuvent être acquis à bon marché, on a recours à des désinfectans qui neutralisent les principes putrides et les mauvaises odeurs. Ce ne sont pas là des moyens dont l’emploi puisse devenir général, car peu de villes disposent d’une retenue d’eau, et les désinfectans chimiques coulent presque toujours très cher. La meilleure disposition est de donner aux galeries une pente convenable et d’y faire couler un filet d’eau qui en opère spontanément le nettoyage. Nous allons nous retrouver, il est vrai, en face d’une autre difficulté., Que deviendra le courant impur qui, si l’on adopte cette méthode, jaillira sans cesse à l’extrémité inférieure du réseau d’égouts ? La déversera-t-on dans le lit d’une rivière, l’eau empoisonnée deviendra impropre à la boisson et aux usages publics ; le poisson n’y pourra plus vivre ; les immondices se déposeront sur les rives et dégageront en temps de sécheresse des exhalaisons pestilentielles. L’infection ne sera plus dans la ville ; on la retrouvera en aval, et les vents la rapporteront dans les rues de la cité. N’y aurait-il pas là d’ailleurs une énorme déperdition de matières fertilisantes aux dépens de l’agriculture ? On sent déjà que la question est susceptible d’une meilleure solution. Purifier le sol, les eaux et l’atmosphère au profit de la culture des champs, rendre sans tarder au torrent de la circulation vitale les débris organiques que la vie vient à peine d’abandonner ; faire travailler pour le bien, suivant l’énergique expression d’un savant anglais, les élémens putrides qui travaillent aujourd’hui pour le mal, voilà le but à atteindre. Si l’on a trouvé trop longue cette interminable énumération de tous les fléaux que l’hygiène publique doit combattre, s’il nous a fallu rappeler les opérations immondes qui s’accomplissent dans la vie souterraine des villes, décrire la décomposition dont les cimetières sont le théâtre, analyser l’origine de toutes les puanteurs que les agglomérations humaines entassent sur leurs côtés, on reconnaîtra du moins qu’un tel examen est digne d’attention. Les médecins ont été chercher bien loin le germe du choléra, aux bouches du Gange, dans les plaines de l’Hedjaz, encombrées de population à l’époque du grand pèlerinage annuel. Le germe, il est peut-être là ; mais les circonstances qui le font fructifier et le propagent, elles sont ici ; elles sont chez nous, non chez les mahométans. Il importe peu que les quarantaines soient rendues plus ou moins rigoureuses, car le véritable cordon sanitaire est celui qu’il dépend de nous d’établir autour de nos habitations. L’épidémie couve, grandit et éclate, mal