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système de vidanges le plus parlait choque ce qu’il y a de délicat en nous et nuit à la santé publique. En un mot, tout ce que la vie industrielle ou municipale produit de résidus et de déjections conspire à vicier l’air, l’eau et la terre, la terre surtout, qui accumule indéfiniment les germes de putréfaction dont nous l’imprégnons à chaque instant. Enfin, en regard de tous ces maux, il convient de placer l’intérêt de l’agriculture, dont les plus riches engrais sont gaspillés sans profit.

Ce n’est pas aujourd’hui que les vices de notre incurie municipale sont indiqués pour la première fois. Il y a vingt ans, M. Chevreul, dans un mémoire sur l’hygiène des cités populeuses[1], démontrait avec l’autorité de son expérience scientifique que les débris organiques tendent à porter l’infection dans les touches terrestres qu’elles pénètrent. Il annonçait les dangers que créent la décomposition des cadavres, les infiltrations des fosses d’aisances, les conduites du gaz d’éclairage, et recommandait le lavage incessant des ruisseaux des rues au moyen de bornes-fontaines, l’éloignement des cimetières et des voiries, l’aérage du sol par le drainage, — conseils stériles que l’influence du savant ne suffisait pas à imposer aux administrations municipales. Depuis, l’infection s’est sans cesse accrue, à mesure que les agglomérations humaines se développaient. De redoutables épidémies sont venues prouver qu’il y a urgence, et qu’il est grand temps d’en venir à un meilleur régime sanitaire. L’enquête scientifique dont M. de Freycinet a été chargé en Angleterre, en France et sur les bords du Rhin prouve que le gouvernement s’est préoccupé d’un si triste état de choses. Qu’il nous soit permis d’exprimer l’espoir que les laborieuses et intéressantes recherches de cet ingénieur ne resteront pas stériles, et que les municipalités de notre pays, éclairées par l’exemple de nos voisins d’outre-Manche, encouragées par le concours de l’état, incitées par l’opinion publique, n’hésiteront, plus à laver les impuretés qui s’amoncellent autour de nos demeures et à prodiguer dans l’intérieur des villes l’air, l’eau, la lumière et la verdure. C’est une grande œuvre dont l’accomplissement n’intéresse pas que le bien-être matériel, car l’homme dont les pieds ne plongent plus dans la fange, dont la poitrine ne respire plus un air vicié et nauséabond, est mieux disposé à accueillir les graves et austères enseignemens par lesquels on s’efforce, non sans succès, de combattre l’infection morale.


H. BLERZY.

  1. Voyez les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 2e semestre 1846.