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du métayer, les engagemens ne sont en conséquence qu’une vaine parole. C’est vrai, je n’en disconviens pas. Du fond de son dénûment actuel, le cultivateur périgourdin est incapable d’offrir aucune sûreté ; mais enfin est-ce une raison pour l’y maintenir indéfiniment ? Entre deux maux, n’est-il pas sage de choisir celui qui compromet le moins le présent et l’avenir ? Telle est la véritable question. Or, pour un danger hypothétique et contre lequel l’intérêt même du métayer est de nature à prémunir le propriétaire, ce dernier se précipiterait tête baissée dans un mal assuré, inévitable, celui qu’engendre et qu’entretient l’incertitude de la situation ! Ce n’est pas possible. L’usage du bail réduit à une année est insoutenable. Que la prolongation à cinq ou dix ans doive figurer parmi les améliorations les plus urgentes, il ne semble pas que l’étude des faits permette là-dessus de conserver aucun doute.

La durée des baux étendue une fois, l’on pourra plus tard, si les intérêts semblent le réclamer, faire un pas de plus vers le bail à ferme. Quand la situation du métayer sera plus sûre, quand il aura pris l’habitude d’établir une moyenne entre les produits de plusieurs années consécutives, il deviendra possible de réduire la partie du prix payable en nature et de stipuler un paiement partiel en argent. J’ai vu en Bretagne de ces arrangemens qui ont peu à peu fait place à des fermages réguliers et durables.

En toute hypothèse, on peut se demander si le partage par moitié des produits satisfait toujours exactement aux conditions d’une association entre le capital et le travail pour l’exploitation d’une métairie, La difficulté se résout sans peine, croyons-nous, à l’aide des principes déjà rappelés. Comme la part que le travail peut fournir est variable suivant le genre de culture, et qu’elle varie surtout avec les méthodes améliorantes, avec les assolemens les mieux entendus, il est impossible de tracer ici une délimitation inflexible. Chaque intérêt doit recevoir en proportion de sa mise, voilà bien la base du contrat : si pour des cultures industrielles le travailleur fournit un apport plus grand que celui du propriétaire, il doit recevoir davantage. Tout dépend donc de la mesure des efforts imposés au travail par la nature des choses, et le contrat doit en tenir compte. Lorsqu’il y a une vingtaine d’années M. Frédéric Bastiat, qui était né dans un pays de métayage et qui avait un faible bien connu pour ce régime, alléguait que dans la région du sud-ouest de la France la part du cultivateur n’était pas toujours seulement de moitié, mais que, « selon les difficultés de la main-d’œuvre, elle était encore des deux tiers, des trois cinquièmes et des trois quarts, » il n’aurait pu citer que des faits isolés et rares. Son raisonnement impliquait néanmoins le