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même, au point de vue pratique, que le métayer n’eût jamais une trop large surface de terres arables, afin de pouvoir donner à sa vigne les soins qu’elle réclame pour être elle-même à son tour prodigue de ses dons. Autre condition non moins nécessaire, l’instruction du vigneron périgourdin est à faire presque en entier. Dans la plantation et dans la taille de la vigne, des méthodes raisonnées, comme les méthodes bien connues de M. le Dr Guyot et de M. Marcon, remplaceront avec avantage les antiques usages que l’ignorance prend encore sous son égide. Sur ce point spécial, c’est à l’instruction professionnelle qu’il appartient de frayer les voies[1].

Dans ces nouvelles conditions, le métayage profiterait de toutes les améliorations d’un caractère général qui pourraient venir apporter des satisfactions réelles aux intérêts agricoles. Point d’innovations dans le système de l’impôt ou des banques dont le métayer ne puisse tôt ou tard, sous une forme ou sous une autre, tirer quelque avantage ; mais, dans l’état présent des choses, ces améliorations demeurent relativement plus ou moins secondaires. Le métayer n’y songe point, et, s’il entendait parler par exemple des banques du crédit, il n’y comprendrait rien.

Il n’y a de réserve à faire sur ce point que pour l’impôt du sel ; dont la réduction est si vivement désirée dans les campagnes et notamment dans celles de la Dordogne. Certains financiers vous diront : « Un sou de plus ou de moins par livre de sel, qu’est-ce donc ? » Mais pour un métayer qui perçoit en nature le prix de son labeur, qui ne vend rien ou presque rien, un sou, c’est quelque chose. Et d’ailleurs, quand il se rend à la ville à l’entrée de l’hiver pour acheter de 25 à 40 livres de sel nécessaires à la conservation du porc qu’il veut abattre, ce n’est pas un sou de plus qu’il doit payer, mais bien de 25 à 40. La différence représente alors pour lui une somme supérieure à celle qu’il consacre durant toute l’année à des articles souvent indispensables, comme le sucre, et qu’il est réduit à regarder comme des superfluités. Pour des travailleurs placés dans la situation des métayers périgourdins, il n’y a point de petites économies en fait de dépenses domestiques.

De l’ensemble des faits recueillis, il nous paraît résulter avec la dernière évidence que le secret des progrès agricoles dans les pays de métayage comme le Périgord se réduit à deux conditions essentielles : intéresser le cultivateur aux améliorations dont la terre est susceptible, intéresser le propriétaire au sort du métayer. La tâche peut être difficile, mais la corrélation entre les deux termes

  1. Il a été fondé dans ces dernières années une école de viticulture sur les confins du Périgord, à Varetz, département de la Corrèze. Le ministre de l’agriculture l’encourage à l’aide d’une petite allocation annuelle ; il n’y en a guère qui soient mieux justifiées.