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une à une toutes les lois de l’harmonie musicale ; le physiologiste, succédant au physicien, a expliqué comment l’oreille humaine analyse les perceptions sonores et de quelle façon, des impressions multiples y déterminent l’unité de la sensation ; enfin le musicien a fait sortir une à une de l’analyse même des sous les lois complexes et jusqu’ici tout empiriques de l’harmonie.

Ainsi agrandie, l’acoustique m’est plus cette science aride et banale dont les rudimens se trouvent encore exposés dans art dans tous les traités de physique ; elle devient une branche de la dynamique universelle en même temps que de l’esthétique. Ce n’est plus seulement un chapitre de l’élasticité des corps, c’est une sorte de grammaire musicale : pas plus sans doute que la grammaire ordinaire ne fournit au littérateur des idées, elle ne peut prêter au musicien des mélodies ; mais elle lui apprend à écrire correctement en musique, elle lui donne non le génie, mais le style.


I

S’il était besoin de preuves pour faire comprendre que la matière n’est point continué, mais qu’elle est composée de parties, il suffirait de citer le phénomène du son. Dans un corps sonore, qu’il soit solide, liquide ou gazeux, toutes les molécules se déplacent et entrent en vibration. Si ces mouvemens sont confus, de durée et d’intensité illégales, on n’entend qu’un bruit ; s’ils sont rhythmiques et pendant quelque temps semblables à eux-mêmes, on entend un son. La molécule qui exécute sa danse invisible peut avoir été entraînée plus ou moins loin de sa place originelle ; de là un son plus ou moins intense. L’amplitude du mouvement règle l’intensité du son, la vitesse de la vibration périodique en détermine la hauteur ou la place sur l’échelle musicale. Les notes graves résultent d’une vibration lente, les notes aigües d’un frémissement plus rapide, plus précipité. La molécule, libre et complaisante, se prête à une infinité de vitesses ; mais l’oreille humaine ne perçoit facilement et avec plaisir que les vibrations enfermées entre certaines limites[1]. L’oreille petit saisir un son qui réponde à 38,000 vibrations ; mais alors la sensation devient douloureuse, et à ces vitesses les notes ne se distinguent plus nettement les unes des autres.

L’échelle des vibrations du piano de 7 octaves va de 33 à 3960, et la différence de ces chiffres témoigne déjà de l’élasticité sensi-

  1. La note la plus basse d’un orchestre est le mi inférieur de la contre-basse, qui correspond à 41 vibrations par seconde ; la note la plus haute est le supérieur de la petite flûte, qui nécessite 4752 vibrations par seconde.