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pas d’autre nom national et collectif ; il embrasse de plus une masse ou plutôt une traînée de populations qui s’étendent jusqu’aux steppes de la Chine occidentale, et qui, sans avoir aucun lien politique avec la Perse, parlent des dialectes persans plus ou moins archaïques et plus ou moins mélangés de turc ou de thibétain. Les peuples turcs leurs voisins, avec cet esprit d’observation généralisatrice si commun chez les Orientaux, désignent tous les Iraniens, depuis le Tigre jusqu’à l’Oxus, sous le nom de Tadjick, dont l’origine et la signification ont été expliquées de diverses manière Le signe de race le plus distinctif des peuples tadjicks, aujourd’hui comme de toute antiquité, est la propension à la vie sédentaire et à l’agriculture ; c’est ce qui les sépare si profondément des sémites, dont Mahomet a bien traduit les instincts vagabonds et aventureux lorsqu’il disait en voyant une charrue : « Partout où entre cette machine, l’opprobre entre avec elle. »

Entre les Tadjicks vivant dans la plaine et les Touraniens errant dans la steppe et le désert salé, la guerre éclate du premier jour où ils se trouvent en présence. L’ancienne Perse, tant qu’elle fut civilisée et puissante, réussit à contenir les hordes de pillards faméliques qui voulaient fondre sur elle ; mais les victoires légendaires de Cyrus n’eurent aucun résultat comparable aux créations si rapides et pourtant si durables du jeune vainqueur d’Arbelles. Avec quelques milliers de vétérans, Alexandre fit cette grande colonie grecque qui fut le noyau du royaume de Bactriane, et l’on sait que ce royaume fut pendant cinq siècles l’avant-poste glorieux de la civilisation grecque dans la Haute-Asie. A leur tour, les Grecs faiblissent, et, pendant, que l’établissement du royaume parthe affirme en Perse la suprématie des nomades, la Bactriane et les principautés grecques de l’Indus disparaissent noyées dans un déluge de hordes scythiques : l’Asie centrale est livrée à l’anarchie la plus sauvage, et, lorsque l’islamisme apparaît, moins de dix ans lui suffisent pour porter son drapeau depuis les murailles de Ctésiphon jusqu’à celles-de Samarkande.

Il arriva aux califes ce qui était arrivé aux Séleucides, dont ils occupaient la place : leur empire, hâtivement constitué, tomba en morceaux dès le premier choc sérieux qu’il éprouva, et ces fragmens se trouvèrent assez grands pour former des états considérables. L’un des plus importans fut celui de Ferghana et Kharizm, qui comprenait au temps des croisades les villes riches, populeuses, industrieuses et savantes de Samarkande, Bokhara, Ourghend, dont la prospérité est pompeusement décrite par Édrisi et par tous les écrivains arabes du moyen âge. Pourtant le peuple qui dominait dans le Ferghana était une tribu mongole, les, Ouzbegs, qu’un