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mirent promptement en batterie quelques pièces qui éteignirent le feu des assiégés et endommagèrent la barbette de Naou. A trois heures, la brèche était praticable : les colonnes d’assaut poussèrent un hurrah auquel répondirent les colonnes de renfort étagées en arrière, les échelles furent apposées, la compagnie d’infanterie conduite par l’intrépide capitaine Baranof escalada le rempart, enfonça les portes, puis, appliquant les mêmes échelles à la deuxième ligne de fortifications, elle l’esescalada avec la même promptitude. La réserve du major Nazarof et le reste de l’infanterie suivirent sans obstacle, et, se répandant le long des remparts conquis, passèrent à la baïonnette les artilleurs ennemis. La conquête de la ville était dès lors assurée ; mais, grâce à l’énergique et indomptable résistance des Khokandiens, la lutte était loin d’être finie. Retranchés dans les maisons, dans des rues étroites, derrière des barricades improvisées, ils se battirent admirablement ; toutefois l’imperfection de leur armement neutralisait l’effet de leur bravoure. A sept heures, le feu languissait déjà : il cessa tout à fait dans la nuit. Hors de la ville, un corps de quelques centaines d’hommes essaya un coup de main contre les troupes russes restées à l’extérieur, et fut repoussé avec des pertes graves. Le 6 au matinales ak-sakal venaient rendre sans condition les clefs de la ville. S’il faut en croire le rapport officiel de Romanovski, cette conquête n’aurait coûté aux Russes que soixante-dix hommes hors de combat, tandis que l’ennemi aurait perdu deux mille cinq cents hommes tués, sans compter plusieurs centaines de blessés qui trouvèrent des soins empressés dans les ambulances moscovites.

Malgré les sympathies dues au courage avec lequel la garnison khokandienne défendit Khodjend, il est impossible de nier que la population civile de cette place témoigna une extrême répugnance pour une guerre qui n’avait d’autre but que de lui donner des maîtres. Or, maître pour maître, elle préférait encore celui qui lui offrait le plus de garanties d’ordre, de paix et de gouvernement régulier. Le même sentiment éclatait deux mois après dans la démarche spontanée par laquelle les bourgeois de Tachkend signaient une adresse au tsar pour demander d’être incorporés purement et simplement à l’empiré. Si en effet les Russes venaient à traiter avec Mozaffer et à lui céder, moyennant d’autres compensations, les districts consuis dans le courant de l’année, les gens de Tachkend devaient, à la rentrée des émigrés et des bandes boukhares, s’attendre à un régime d’effroyables proscriptions qui eussent atteint tous les hommes paisibles qui avaient été en contact quelconque avec les « infidèles » pendant l’occupation. Les mêmes faits s’étaient produits à Kàchgar neuf ans auparavant, lors de la