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aussi permet-il aux physiciens qui auraient l’oreille la moins assouplie aux nuances musicales de faire une foule d’expériences qui leur étaient autrefois interdites ; il met l’acoustique la plus fine à la portée des oreilles les plus dures. Telle est la sensibilité de l’instrument qu’il n’entre pas seulement en vibration quand un corps voisin chante sa note fondamentale : il suffit d’un son plus grave, accompagné d’une harmonique avec laquelle sa note puisse s’accorder. Cet ingénieux appareil se prête donc admirablement à l’étude des notes harmoniques ; si faibles qu’elles soient, il les retrouve, les tire pour ainsi dire du milieu sonore où elles se noyaient.

C’est avec une série de résonnateurs diversement accordés que M. Helmholtz est arrivé à analyser facilement tous les sons, de même que par des moyens mécaniques, des prismes de verre par exemple, on décompose la lumière. Il a divisé le son en lui opposant des résonnateurs de forme et de grandeur diverses. Les sons de la plupart des instrumens de musique se composent de notes partielles d’intensité différente ; ces notes composantes se mêlent dans la sensation ordinaire, qui en forme spontanément la synthèse, mais on peut les isoler, les trier en quelque sorte en usant de ces oreilles artificielles qui ne sont adaptées qu’à une vibration unique.

Il faut distinguer entre l’impression et la sensation du son : l’impression résulte de la communication d’un mouvement matériel à une partie du système nerveux, la sensation rapporte ce mouvement à la présence d’un objet externe. L’impression est essentiellement subjective, la sensation cherche au contraire un objet. La première est tout à fait passive, la seconde peut recevoir une éducation plus ou moins complète, s’atrophier ou s’affiner au gré de la volonté. Au milieu d’un concert, qu’avons-nous intérêt à distinguer ? Les divers instrumens, violon, flûte, clarinette, basse, etc. ; aussi nous apprenons de bonne heure et bien vite à le faire. Dans une conversation bruyante, il nous importe de rapporter les voix aux personnes : l’habitude nous rend ce travail facile ; mais s’il nous est absolument nécessaire de reconnaître des sons d’origine diverse, il ne nous sert de rien d’analyser dans un son particulier toutes les notes composantes ; cette analyse ne ferait que jeter le trouble dans notre sensibilité. Si nous avions acquis à force d’attention le privilège de décomposer tous les sons, ce morcellement perpétuel nous empêcherait de percevoir aussi aisément que nous le faisons par l’ouïe les phénomènes du monde externe.

Les impressions multiples qu’imprime au système nerveux une note escortée de ses parasites harmonieux se fondent, se marient donc d’ordinaire en une seule sensation. Il faut apporter à l’analyse