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le juge eut fixé à 500,000 francs la caution de M. Davis, M. Greeley se leva le premier parmi les garans de cette somme considérable, et alla signer son engagement au bureau du greffier. En retournant à sa place, il passa devant Davis. Ces deux magnanimes ennemis politiques ne s’étaient jamais vus, jamais entretenus de leur vie. On remarqua leur serrement de main et leur causerie, qui dura quelques minutes. On dit que les États-Unis sont la patrie du humbug. Rien n’est plus éloigné de la charlatanerie, rien n’est plus simple et plus digne que les idées exprimées par la New-York Tribune, le propre journal de M. Greeley, à propos de la mise en liberté de M. Davis. « Ainsi, dit-elle, a été résolue une des questions les plus vexatoires qu’avaient entretenues les fautes du gouvernement depuis la fin de la guerre ; nous nous sommes enfin délivrés de la honte de garder prisonnier un homme accusé de grands crimes pour lesquels nous n’avions ni le courage ni la force de le faire juger. Ce qui vient d’être exécuté aurait pu l’être il y a un an. Il est des difficultés qu’on ne peut vaincre qu’en marchant sur elles. Le gouvernement n’est point excusable d’avoir si longtemps continué la détention de Jefferson Davis. Il est libre maintenant d’aller où il lui plaira ; non-seulement dans le sud, mais dans le nord sa délivrance sera saluée comme une victoire du sens commun. » À ce grand acte d’humanité politique, il faut joindre le mouvement spontané qui a produit en Angleterre la commutation de la peine capitale prononcée contre le fenian Burke. L’idée de voir relever le gibet politique a fait frémir d’horreur le peuple anglais. Une nombreuse députation de membres du parlement, ayant pour organe M. Mill, cet interprète infatigable des causes humaines, n’a eu qu’un mot à dire au premier ministre, lord Derby, pour obtenir qu’une existence compromise par un sentiment erroné du patriotisme fût épargnée. Voilà de beaux exemples venus de deux pays libres, et il serait à souhaiter que les sultans européens nous en pussent apporter d’analogues dans leur excursion à l’exposition. Dieu nous garde de marchander à ces voyageurs illustres les courtoisies de l’hospitalité française ! Nous faisons des vœux pour que les fêtes qui les attendent ne soient point troublées par le deuil de la catastrophe qu’un bruit sinistre et opiniâtre attribue à la destinée de l’empereur infortuné du Mexique ; mais serait-ce dépasser les bornes des convenances que de souhaiter que la sérénité des âmes fût d’accord avec l’éclat des fêtés qui se préparent, et qu’une émulation de générosité pénétrât les cœurs des souverains ? Les devoirs de générosité ne font défaut à aucun d’eux. La Pologne en fournit assez à l’empereur de Russie ; le roi de Prusse dans le feu de ses conquêtes a de quoi se montrer libéral du côté du Danemark et de cette courageuse reine de Hanovre qui se cramponne au sol de son royaume, qui n’en veut point être exilée, et qui dévore la douleur de voir arrêter dans son palais ses serviteurs les plus dévoués. Et nous-mêmes, hier encore, montrions-nous toute la générosité confiante dont nous sommes capables dans l’ostracisme qui continue à