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vendre en un court espace de temps une quantité aussi considérable. MM. Scialoja et Ferrara ont eu tous les deux la pensée d’obtenir de sociétés financières l’escompte de la valeur de ces biens ecclésiastiques, dont la liquidation doit être lente à réaliser. Ces deux ministres ont fait, croyons-nous, fausse route. Ils cherchent à associer les capitaux européens à une opération qui ne pourrait présenter des chances favorables au crédit italien que si elle avait été préalablement accomplie d’une façon précise et définitive dans le domaine politique et religieux. Certes nous ne sommes point partisans de l’accaparement des terres par le clergé et les communautés religieuses. L’abolition de la mainmorte est un principe de politique et d’économie sociale qui n’est plus contesté. Un gouvernement italien éclairé, sans frapper le clergé et les communautés d’une confiscation, doit s’efforcer de transformer le plus tôt possible la nature de la propriété ecclésiastique ; mais un changement portant sur des intérêts si considérables est une œuvre vaste, compliquée, et nécessairement fort lente, à moins que l’on n’agisse par les moyens révolutionnaires. A vrai dire, les biens d’église que le gouvernement italien offre à des sociétés financières pour les faire entrer dans la circulation des capitaux ne sont point des propriétés dont la valeur normale soit faite encore. Il faudra l’assentiment ou la résignation du clergé à cette transformation pour que ces biens acquièrent leur valeur réelle ; l’assentiment du clergé, il est chimérique de l’espérer ; sous quelle forme serait-il donné ? qui aurait qualité pour sanctionner des résolutions au nom de ces immenses intérêts collectifs ? La cour de Rome elle-même se croirait-elle en droit d’ordonner à un clergé national de se prêter à une pareille aventure, et le gouvernement italien est-il fondé à compter sur les faveurs de la cour de Rome ? La résignation du clergé, il faut du temps, beaucoup de temps pour l’obtenir ; elle n’arrive qu’après de longues années, après que le personnel de ces nombreuses corporations a été renouvelé. D’ailleurs dans certaines contrées de l’Italie, en Sicile par exemple, les couvens propriétaires étaient devenus une sorte d’institution sociale et économique, barbare assurément, et qu’il ne fallait point laisser se perpétuer sous un régime civilisateur ; mais l’existence même des populations pauvres se lie encore à ce vieil état de choses, et on ne peut l’en détacher, comme on l’a vu par l’insurrection de Palerme, sans luttes et sans souffrances. En somme donc, tandis que les besoins du trésor italien sont pressans, il nous semble que le crédit des propriétés ecclésiastiques qu’il veut réaliser est loin d’être mûri encore. Il ne paraît point que les titres qui seront offerts au public pour effectuer l’escompte de ces propriétés puissent avoir un crédit supérieur à celui des fonds italiens. La meilleure politique, suivant nous, serait pour l’Italie de ne point essayer en tâtonnant de se créer un crédit indirect, et d’employer au contraire le crédit direct qu’elle possède sur tous les marchés européens. Elle y trouverait sans doute le placement