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dispositions contraires des honorables membres, le ministère voyait avec joie le triomphe complet de sa première idée. La loi serait donc modifiée dans le sens de l’amendement de M. Hodgkinson à partir de ce moment, il n’y a plus eu de doute sur le sort du bill. On a senti que la réforme électorale et parlementaire était faite. Il est visible que des deux côtés de la chambre on se rallie sans arrière-pensée au plan que le ministère a eu l’art de laisser se développer par la discussion, si bien que la chambre finit par y voir son œuvre propre et non celle d’un intérêt exclusif ou d’un parti. La nouvelle loi au fond, si elle demeure conforme à des traditions conservatrices, fortifie singulièrement l’élément populaire dans les élections : elle ajoutera un million de votes au corps électoral. L’addition d’un tel appoint ferme pour longtemps la bouche aux agitateurs. Quant aux adversaires de l’extension du suffrage, ils sont déroutés. Le plus éloquent et le plus intelligent des anti-réformistes, M. Lowe, a voulu couvrir d’une dernière harangue la défaite décisive de ses idées. Il n’a jamais parlé, lui qui est un orateur froid, ironique et raffiné, un langage plus distingué et plus ému ; mais ses paroles mêmes exprimaient le sentiment qu’il a de son isolement : il semblait tout surpris de se trouver seul et de ne plus être soutenu par les applaudissement de l’opposition de l’année dernière et de ces adulamites dont il avait été le chef et l’orateur. C’est un vieux tory, M. Henley, qui s’est chargé de répondre au contempteur et au dénonciateur des progrès de la démocratie vers le pouvoir. M. Henley est aimé de la chambre des communes à cause de l’accent de verdeur qu’il sait donner à ses idées originales et sensées. Le vieux tory a eu raison en quelques mots de bon sens de la rhétorique un peu subtile et sophistiquée de M. Lowe.

Les pourparlers que le premier ministre de Prusse vient d’ouvrir avec la cour de Copenhague au sujet de la restitution du Nord-Slesvig au Danemark auront-ils une issue heureuse pour le brave et petit royaume scandinave ? Nous le souhaitons sans oser l’espérer. Il paraît peu probable que M. de Bismark aille dans ses concessions jusqu’à rendre Duppel et Alsen. Le comte de Bismark est, dit-on, l’un des grands personnages qu’attire à Paris le mirage de l’exposition. Cette exposition où dans peu de jours le roi de Prusse viendra se promener et montrer aux Parisiens cette simplicité de manières et cette bonhomie que connaissent les habitués des villes d’eaux d’Allemagne, cette exposition devrait faire un miracle et inspirer à M. de Bismark et à son auguste maître des idées modérées à l’égard du Danemark. Le ministre prussien nous paierait une courtoise bienvenue et trouverait ici un accueil plus riant, s’il arrivait chez nous après s’être montré juste envers les Danois. Si M. de Bismark n’est guère populaire ; il doit l’imputer à la maladresse de ses prétentions exagérées et de ses procédés rébarbatifs. Nous avons été médiocrement récompensés des avantages directs ou indirects que nous avons procurés à la Prusse et à son ministre. Ne voilà-t-il pas que dans cette Roumanie, où nous avons laissé galamment pénétrer