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articles secrets du traité fut le mariage de la fille unique de M. de Mercœur avec César Monsieur, fils légitime du roi et de Gabrielle d’Estrées. Le duc et surtout la duchesse de Mercœur se souciaient peu de cette union, mais Gabrielle la voulait à toute force. C’est à ce prix qu’elle avait mis son intercession auprès du roi. Les Mercœur se résignèrent, mais tachèrent d’obtenir quelques compensations et n’oublièrent pas leur infortunée sœur. Sur ce chapitre, la duchesse de Beaufort se montra de bonne composition. On délibéra, on chercha, et, chose rare, on trouva un arrangement qui contentait tout le monde. Gabrielle, sacrifiant son caprice pour Chenonceau, se désistait de tous ses droits ou prétentions en faveur de la reine douairière ; de son côté, Louise donnait Chenonceau comme présent de noce à sa nièce et à son futur neveu, en se réservant toutefois l’usufruit de ce domaine, où elle pensait finir ses jours. Enfin M. de Mercœur avait aussi son rôle, et ce n’était ni le moins important ni le moins nécessaire ; il promettait à sa sœur sa garantie pour les sommes qu’elle aurait à payer.

Ainsi allèrent les choses, le mieux du monde en apparence. Par acte du 22 juin 1598, Louise, subrogée à tous les droits de Mme de Beaufort, renouvela le traité conclu par Gabrielle le 24 décembre 1597. Des 22,000 écus qu’elle s’engageait à payer par cet accord, elle n’avait pas le premier sou, et cela est si vrai que, pour donner à titre d’arrhes une méchante somme de 2,000 écus, il lui fallut vendre à un orfèvre trois belles perles qu’elle possédait ; mais M. de Mercœur s’engageait au défaut de sa sœur, et c’était là une garantie rassurante. Puis, le 15 octobre suivant, la reine douairière, « désirant faire paraître par effet et laisser témoignage à la postérité du plaisir et contentement que sa majesté a reçu du mariage accordé entre César Monsieur, duc de Vendôme, et Françoise de Lorraine, sa niepce, » donna aux futurs époux la terre et châtellenie de Chenonceau, « à la charge et réservation qu’elle en jouirait par usufruit sa vie durant. »

Cet usufruit ne devait pas être bien long. Six mois après, au moment où Louise, découragée par dix ans d’inutiles démarches, désespérait de jamais rien obtenir et s’accoutumait à l’idée de finir ses jours à Chenonceau, elle reçut pour douaire le Bourbonnais. Événement aussi heureux qu’inattendu, car pour la pauvre reine son château n’était plus un asile assuré. Elle s’était trop hâtée de s’en croire maîtresse. Quand elle en disposait comme nous venons de le voir, elle se fiait au traité qu’elle venait de conclure ; elle pensait que tout était fini, que la chose était faite et parfaite, et qu’il n’y avait plus à y revenir. Rien n’était fini au contraire : ses traités et ses donations n’étaient que des chiffons de papier. Pendant que Louise et Gabrielle s’arrangeaient ensemble et pensaient