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n’hésitait donc pas à faire parvenir au héros de la France et de l’Italie ses plus énergiques instances[1]. »

Ces remontrances de son ministre avaient été précédées d’une lettre écrite tout entière de la main de Pie VII, par laquelle, en termes plus généraux et beaucoup plus ménagés, il s’était plaint tristement à l’empereur lui-même de tout ce qui s’était passé à Milan. Il paraît que cet appel directement fait à sa loyauté toucha quelque peu Napoléon. Au fond, il était bien décidé à ne rien rétracter de ce qu’il avait arrêté en parfaite connaissance de cause ; mais sa réponse n’en fut pas moins courtoise, empreinte même d’une certaine cordialité. Plus explicite qu’il ne l’était d’ordinaire en ses communications avec le saint-père, il n’hésita pas à entrer dans d’aimables explications sur ses intentions qui avaient, disait-il, été excellentes. « J’ai voulu tout faire pour le mieux ; me serais-je trompé ? C’est ce que me ferait penser la lettre de votre sainteté. Lorsqu’elle sera bien instruite de la situation des affaires ecclésiastiques du royaume d’Italie, elle me rendra la justice de penser que tout ce que j’ai fait a été pour le bien de la religion. Très saint-père, je l’ai dit quelquefois à votre sainteté, la cour de Rome est trop lente, et suit une politique qui, bonne dans des siècles différens, n’est plus adaptée au temps où nous vivons… » Suivait l’énumération des largesses assez nombreuses qu’il avait faites au clergé italien, tant séculier que régulier, donnant tort, disait-il, à l’esprit de philosophie du temps, et consacrant ainsi le principe de l’utilité des maisons religieuses… Il avait d’autant plus de mérite à avoir agi de la sorte que depuis Joseph II les principes contraires sont tellement ancrés dans les esprits à Milan qu’il est impossible de les en faire revenir… « C’est pourquoi, disait-il en prenant, lui aussi à son tour, avec un art infini ce même ton de reproche amical qui animait la lettre de Pie VII, il avait été péniblement affecté d’apprendre que sa sainteté se plaignait de lui. Si elle avait été mieux informée, elle aurait su qu’en Italie on avait trouvé qu’il avait trop fait pour le clergé. Au reste il priait sa sainteté de croire au désir qu’il avait de la voir heureuse et contente et à l’intention bien formelle où il était de ne lui donner aucun sujet de chagrin et de mécontentement[2]. »

Cette lettre, accompagnée de l’invitation adressée au cardinal Fesch de s’entendre avec le Vatican sur de certaines modifications à introduire dans le décret de Milan (modifications qui ne furent jamais réalisées), combla le saint-père de joie. Il était charmé de voir l’empereur discuter ainsi avec lui dans sa correspondance

  1. Dépêche du cardinal Consalvi au cardinal Fesch, août 1805.
  2. Lettre de l’empereur au pape, 19 août 1805. (Correspondance de Napoléon Ier, t. II, p. 99.)