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Beau vase athénien, plein des fleurs de Calvaire,


selon l’expression de l’un d’eux, montre assez ce que leur culte a de factice et d’inoffensif. Que veulent-ils donc ? Relever d’un anathème de vingt siècles une religion qui a présidé à la plus belle des civilisations, justifier le merveilleux instinct qui, revêtant des formes les plus charmantes du symbole poétique l’intuition des forces naturelles, créa cette mythologie, inspiratrice des Homère et des Phidias. Depuis deux mille ans, cette mythologie a été considérée comme un mystère d’égarement intellectuel, comme un signe éclatant de la déchéance humaine. Ce culte, dont la religion nouvelle s’appropriait les débris à son insu, était traité comme une possession démoniaque, poursuivi sans relâche, et il a fini par céder aux exorcismes. Cependant, ou il faudrait dénier à la religion toute influence sociale, ce qui est impossible, ou il faut reconnaître qu’elle fait les sociétés à son image, et alors comment ne pas en appeler de ces arrêts contre une religion qui, accompagnant l’homme à chaque pas, remplissant son esprit, sanctifiant toutes ses actions, pénétrant toute sa vie, a engendré la civilisation où il s’est développé de la manière la plus complète, dans la pleine harmonie de la pensée et de l’action, de la vie personnelle et de la vie publique ? Comment ne pas voir dans cette république de dieux, où chacun a sa fonction distincte et où l’ordre résulte de la diversité, l’image de cette république morale qui maintient dans l’individu l’équilibre de toutes les forces physiques et intellectuelles sans en sacrifier aucune et de cette autre république visible, la cité, milieu nécessaire où chacun se déploie, et qui fait de tous les citoyens des parties intégrantes d’un même corps ?

Cette justification, appuyée sur tout ce qu’une érudition de plus en plus exacte et des comparaisons de plus en plus multipliées nous ont appris, est digne de notre équité historique. Il est impossible de méconnaître ce qu’elle a de fondé ; mais le moyen de s’en tenir là, de ne pas exagérer une vérité si séduisante, de ne pas se laisser prendre aux prestiges de l’imagination, qui sans le savoir embellit toujours ce qui fut aux dépens de ce qui est ? Au temps de Corneille, de Balzac et de Mlle Scudéri, la fierté romaine s’offrait comme un idéal aux regards éblouis des romanciers et des poètes, qui ne se faisaient pas faute d’y ajouter pour dernier charme la bonne grâce et la galanterie des seigneurs de la cour. Nous avons renoncé aux Romains ; portés par une admiration moins absurde et moins dangereuse, nous prenons plaisir à remonter aujourd’hui jusqu’à la Grèce ; nous opposons notre décadence à son éclatant midi, nos misères à ses vertus, notre existence appauvrie et chagrine à sa joyeuse activité. Combien la vie, telle que les exigences