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écho de l’enthousiasme et des émotions des Aryens voyageurs dans ce vieil oracle de la Pythie aux Argonautes que rapporte Hésychius dans son histoire des Origines de Constantinople ? « Heureux les hommes qui habiteront cette ville sainte sur le rivage humide de la Thrace et l’embouchure du Pont, là où les poissons et les cerfs se nourrissent aux mêmes pâturages ! .. »

Ces adorateurs de la beauté et de la vie s’arrêtèrent donc religieusement en face d’un horizon incomparable, au sein d’une nature à la fois majestueuse et riante. Nulle part la végétation et la lumière, l’harmonie des eaux courantes et des collines ombreuses ne donnent au regard humain une pareille fête. Au printemps, les bosquets d’arbres de Judée abaissent leurs touffes de fleurs empourprées sur le Bosphore, qui roule comme un fleuve immense ; les cyprès mêlent leur verdure sombre et veloutée aux teintes plus claires des sycomores, des marronniers et des platanes ; les buissons de roses sauvages croissent parmi les sources ; les abeilles bourdonnent dans les hautes herbes. On contemple ce tableau merveilleux et mouvant, et les heures fuient. Les cris d’enfans qui jouent dans les cimetières turcs, la psalmodie lente et douce d’un iman à l’heure du muezzin, le roucoulement des colombes et le bruissement solennel du Bosphore bercent votre rêverie ; puis le soleil s’incline à l’extrémité de la Corne-d’Or, les plus lointaines mosquées de Stamboul s’effacent dans les vapeurs enflammées du couchant, Sainte-Sophie élève ses dômes et ses tours dans le ciel d’un vert limpide, les vagues bleues du Bosphore étincellent, la rive d’Asie paraît plus lumineuse à mesure que les coteaux d’Europe se couvrent d’une ombre plus azurée, Scutari blanchit et rayonne sous sa forêt de cyprès ; à l’entrée de la mer de Marmara, les cinq îles des Princes s’empourprent, les ravins creusés dans les rochers rougeâtres des falaises s’éclairent d’une lueur sanglante. Enfin tout au fond, du côté de l’orient, au-dessus des collines du golfe d’Ismidt et de la baie de Moudania enveloppées d’une brume violette, l’Olympe de Brousse dresse comme sur une base d’améthyste sa grande cime blanche de neige.

Il n’y a pas, pour décrire l’aspect lointain de cette montagne, de traits plus justes que les épithètes pittoresques d’Homère. Vue de Constantinople, elle apparaît comme un sommet allongé, droit, régulier : aucun pic aigu ne s’en détache et ne dérange l’harmonie de cette ligne simple qui marque sur le ciel son profil ; c’est bien là le grand, le long Olympe. Il s’élève sur un piédestal de collines dont le centre se recourbe et s’abaisse, découvrant ainsi les racines de la montagne escarpée, presque inaccessible, le haut Olympe, « au faîte élevé, difficile à gravir. » C’est aussi l’Olympe « aux nombreux plis. » On distingue facilement les gorges qui le sillonnent