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sur le terrain, — et ici commençait de se révéler ce qui devenait la faiblesse de l’armée italienne, ce que je résumerai d’un seul mot, l’inexpérience de la guerre, je veux dire l’inexpérience dans le maniement de ces grandes masses d’hommes poussées à l’action par une volonté unique.

Coordonner une immense et délicate opération de guerre, avoir une vue nette et sûre du but à poursuivre et des moyens de l’atteindre, prévoir les mouvemens de l’ennemi pour les combattre ou les déjouer, pousser en avant des corps considérables de façon qu’ils restent toujours liés, toujours prêts à se porter un mutuel secours au lieu de s’embarrasser ou d’être nuisibles les uns aux autres, tenir compte de tout, des conditions d’une marche militaire aussi bien que des accidens qui peuvent se produire ou des besoins des hommes, c’est une bien autre affaire que de mettre sur pied une armée nombreuse, brillante, pleine de bonne volonté et de feu, et la difficulté est bien plus grande encore lorsqu’il s’agit de conduire cette armée à l’assaut d’un pays merveilleusement disposé pour la défense, transformé en un vaste et redoutable camp retranché.

Qu’on se représente un instant d’abord le terrain devant lequel se présentait l’armée du roi le soir du 22 juin ; ce terrain, les généraux piémontais devaient le connaître, puisque c’est là qu’ils avaient combattu en 1848, qu’ils s’étaient retrouvés encore en 1859, au moment où la paix de Villafranca venait suspendre la marche de l’armée alliée. Ces noms de Pastrengo, de Custoza, de Sommacampagna, qu’ils allaient rencontrer de nouveau, leur rappelaient des succès ou des revers, viriles épreuves du passé. Le Mincio, en s’échappant du lac de Garde pour descendre vers le Pô, forme une première barrière, une ligne sinueuse, tourmentée, bordée sur les deux rives de hauteurs inégales, et dont Valeggio est à peu près le point central. A la droite extrême de cette ligne est Mantoue, au sein des lacs qui lui font une ceinture ; à l’extrémité opposée, sur la gauche, est Peschiera, étendant assez loin ses ouvrages avancés ; au fond de l’horizon est Vérone, la place forte maîtresse de l’Adige, achevant avec Legnago, la quatrième citadelle située plus bas, cet éternel quadrilatère qui a eu cette étrange fortune de ne pas tomber devant la force d’un assaillant. Sur la rive gauche du Mincio, à partir de Valeggio et en remontant vers Peschiera, se déploie un large massif montueux, accidenté, irrégulier, d’un côté suivant le cours du fleuve et le serrant souvent de près, de l’autre allant se perdre dans la plaine de Villafranca, puis se repliant par Custoza, Sommacampagna, Sona, Santa-Giustina, et tendant vers le haut Adige. Des hauteurs de Custoza ou de Sommacampagna, on aperçoit alternativement Villafranca, Vérone, se perdant dans les