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et ce qui était une nécessité pour lui pouvait être un grand piège pour les Italiens. Le 23 dans l’après-midi, il apprenait le passage du Mincio par l’armée du roi ; d’un autre côté, il était immédiatement informé que rien ne s’agitait encore sur le Pô, et, comme le passage d’un tel fleuve ne se fait pas sans préparatifs, sans mouvemens, il était facile de supposer qu’on pouvait avoir au moins deux ou trois jours devant soi. Dès lors la résolution de l’archiduc Albert était prise avec une habile promptitude. Laissant un rideau de sept ou huit mille hommes entre le Pô et l’Adige, en face de Cialdini, il se tournait vers La Marmora, portant toutes ses forces à la rencontre de l’armée du roi. La nuit suffisait pour cette opération, vu les faibles distances qu’il y avait à parcourir.

A l’aube du 24, l’armée autrichienne devait occuper toute cette ligne sur laquelle les divisions italiennes se préparaient à marcher. La division de réserve de Rupprecht, descendant de Pastrengo à Castelnovo, avait ordre de s’avancer sur la route de Valeggio dans la direction d’Oliosi et de Salionze, formant l’extrême droite. A côté, le 5e corps de Lichtenstein, porté à Sona, devait s’avancer jusqu’à San-Rocco-di-Palazzolo avec deux de ses brigades, appuyant avec la troisième la division Rupprecht. Le 9e corps, celui de Hartung, prenait possession de Sommacampagna, poussant une de ses brigades sur Custoza. En arrière, le 7e corps, celui de Maroicic, formait une sorte de réserve générale remplissant successivement les vides laissés par les deux autres corps. A l’extrême gauche, la brigade de cavalerie légère, grossie de huit nouveaux escadrons et conduite par le général Pultz, était chargée de menacer Villafranca. Toutes les mesures de l’archiduc Albert étaient prises d’ailleurs avec une singulière prévoyance. En cas de revers, il s’était ménagé des moyens de retraite en jetant des ponts sur l’Adige. Tous les gros bagages avaient été laissés en arrière pour ne point gêner les mouvemens de l’armée. Le soir du 23, on avait fait de larges distributions de vivres, de café, d’eau-de-vie, aux soldats pour qu’ils pussent supporter les fatigues qu’il était facile de prévoir. Ces quelques heures avaient été bien employées, puisqu’elles avaient pour résultat d’amener sur un terrain supérieurement choisi près de 80,000 hommes dans les meilleures conditions de combat.

Voilà ce que les Italiens ne savaient pas dans la nuit du 23 au 24, ce qu’ils ignoraient encore le matin, et ce qu’ils n’allaient apprendre qu’en se heurtant contre l’ennemi. Il y avait une telle sécurité ou un tel oubli que nul n’eut l’idée de faire explorer le terrain sur lequel on allait s’engager, et ici ce n’était pas seulement l’affaire du commandement général. Il n’y eut d’autres reconnaissances que celles qui avaient été faites la veille dans la plaine du