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imaginé les théories les plus bizarres pour rendre compte de Inexistence des sources ; ils allaient jusqu’à prétendre qu’elles étaient engendrées par la mer au moyen de conduits souterrains, tandis qu’elles n’ont en réalité d’autre origine que la pluie, les brouillards, la rosée et la neige. Grâce à cette explication simple et ingénieuse, on a pu affirmer qu’il existe au fond de chaque vallon une source apparente ou secrète, et des hydroscopes exercés ont su deviner au seul aspect du sol les ruisseaux cachés au-dessous de la surface. L’expérience et l’observation ont ainsi remplacé, pour la découverte de ces trésors d’eau limpide, la baguette de coudrier et tes autres moyens chimériques auxquels on avait jadis recours. La recherche des sources est maintenant une science que plusieurs personnes exercent avec une sûreté d’appréciation remarquable[1].

Les eaux ne peuvent ainsi circuler sous terre sans emprunter quelque chose au terrain qu’elles traversent. Tantôt elles se chargent de matières minérales ou sulfureuses et acquièrent des propriétés médicinales ; le plus souvent elles ne dissolvent que des sels terreux, des carbonates et des sulfates de chaux ou de magnésie qui ne leur donnent ni couleur ni odeur, et leur communiquent seulement une légère sapidité ; parfois elles deviennent tout à fait salées ; les plus pures émergent des terrains primitifs. Lorsque les eaux sortent de terre avec un excès de sels en dissolution, elles en abandonnent bien vite une partie, et l’on dit alors quelles sont incrustantes, parce qu’elles recouvrent d’une couche calcaire les objets que l’on y plonge. Dans ce cas, elles conviennent peu à la boisson et moins encore à la consommation industrielle. Tandis qu’elles courent à ciel ouvert, les eaux acquièrent de nouvelles qualités et aussi de nouveaux défauts. Elles abandonnent, ainsi qu’il vient d’être dit, une portion des sels qu’elles tenaient en dissolution ; mais elles se chargent de boue et de limon lorsque le volume de la rivière est grossi par accident, elles prennent un goût désagréable si elles traversent des marais tourbeux, elles s’altèrent quelque peu au contact des végétaux qui vivent et périssent sur la rive et des détritus qui tombent à la surface, elles se corrompent par les débris organiques qu’y rejettent les hommes et les animaux. Cette dernière cause d’impureté, qui n’a qu’une faible importance dans les campagnes, devient au contraire très redoutable en aval des villes et des centres industriels.

Depuis les eaux vives et claires qui sortent du pied des glaciers ou jaillissent entre les roches des terrains primitifs jusqu’aux eaux

  1. On lira avec intérêt l’Art de découvrir les sources, où l’abbé Paramelle a expliqué avec une lucidité parfaite les principes de la prétendue divination dont, on l’avait gratifié.