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faire la comparaison, une eau évidemment contaminée, comme le serait celle qui s’écoule dans les ruisseaux des rues. Il est une méthode plus simple encore et non moins certaine. Qu’on laisse de l’eau dans un vase clos pendant vingt ou trente jours, et si elle n’a perdu ni sa limpidité ni sa saveur primitive, elle sera réputée sans crainte de bonne qualité. On ne saurait trop recommander cette expérience, qui semble banale à force de simplicité, car la présence dans les boissons de matières organiques en décomposition exerce un effet funeste sur la salubrité. Il n’est guère permis de douter que l’altération des eaux potables par des débris d’êtres vivans joue un rôle capital dans la production et le développement des épidémies qui déciment la population des grandes villes.

Voilà pour les substances organisées, dont l’influence est sans contredit prépondérante. Cependant il est nécessaire de compléter cette analyse sommaire par la recherche des matières inorganiques, surtout du gypse ou sulfate de chaux, sel nuisible, bien qu’il n’ait aucune propriété toxique. Le gypse s’appelait splénite dans l’ancienne nomenclature chimique, d’où vint le nom de séléniteuses donné aux eaux qui en sont chargées. Dans la pratique de tous les jours, ce défaut se reconnaît à ce que les eaux qui en sont affectées dissolvent mal le savon et sont impropres à la cuisson des légumes, qui s’y durcissent au lieu de s’y ramollir. On leur reproche aussi, et l’on paraît en avoir de sérieux motifs, de détruire les dents. Lorsque ce caractère est bien tranché, il ne convient donc de les employer ni pour la préparation des alimens ni pour les besoins domestiques. Il est heureux que l’on puisse apprécier la qualité de telles eaux au moyen d’un appareil très simple, l’hydrotimètre, invention récente de MM. Boutron et Boudet, qui a rendu d’immenses services dans toutes les études hydrologiques entreprises depuis quelques années, peu de mots suffiront pour indiquer en quoi consiste cet utile instrument. Si l’on dissout dans l’eau pure une légère quantité de savon et qu’on agite cette eau, elle absorbe des globules d’air, les emprisonne et forme ce qu’on appelle de la mousse. Il ne faut qu’un décigramme de savon par litre d’eau distillée pour que ce phénomène se produise ; mais lorsque l’eau contient un sel de chaux ou de magnésie, le savon, s’unissant à ce sel, donne naissance à un produit insoluble qui se manifeste sous forme de flocons ou de grumeaux. Il se dépose au fond du vase après quelques instans de repos ce que les chimistes appellent un précipité caillebotté, et c’est seulement lorsque tous les sels terreux ont été décomposés par le savon qu’une nouvelle dose de celui-ci communique à l’eau la propriété de devenir mousseuse. Ce qu’il a fallu mettre de savon avant d’en arriver là donne la mesure des sels