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pendant trois siècles que les eaux limoneuses du Tibre. Les papes rétablirent enfin quelques-uns de ces monumens. Sixte-Quint et Paul V se signalèrent par ces utiles restaurations. Grâce à la vigilance de ces pontifes, la Rome moderne, quoiqu’elle ait perdu la plupart de ses anciens aqueducs, est encore mieux approvisionnée en eaux potables qu’aucune ville du monde. Outre les fontaines jaillissantes qui décorent les places publiques, il n’est guère d’habitation privée qui ne jouisse d’un ruisseau artificiel par lequel une agréable fraîcheur est entretenue dans les cours, les vestibules et les jardins. Rome reçoit environ 200,000 mètres cubes d’eau par jour pour une population qui ne dépasse guère 200,000 habitans.

Il est regrettable que ces eaux si abondantes aient été assez mal choisies sous le rapport de la qualité. Trajan fit classer jadis les diverses sources qui alimentaient les réservoirs d’après le degré de pureté, autant du moins qu’on en savait juger alors. Celles de l’Anio, toujours troubles, étaient réservées aux usages infimes ; la dérivation du lac Alsietina n’alimentait que la naumachie ; la plus limpide était attribuée à la consommation domestique. Les eaux qui abreuvent la Rome de nos jours, bien que claires parce qu’elles sont fournies par des sources et par un lac, sont en réalité de qualité médiocre. MM. Boutron et Boudet se sont assurés qu’elles marquent toutes un degré hydrotimétrique élevé.

Après Rome, c’est Gênes qui paraît jouir des aqueducs les plus anciens. Les Romains y avaient amené, dit-on, des eaux de sources recueillies sur les montagnes voisines ; mais leurs travaux ayant été détruits, probablement à l’époque de l’invasion barbare, on commença vers l’année 1293 à établir de nouvelles conduites qui furent prolongées à diverses reprises, et s’étendent aujourd’hui sur un parcours de 30 kilomètres. Ce qu’il y a de curieux à noter, c’est que, les eaux de cet aqueduc appartiennent maintenant à des particuliers ; sauf ce que la ville s’en est réservé pour les besoins municipaux. Il n’y a point comme ailleurs des concessions temporaires ou des abonnemens à l’année : chaque filet d’eau dérivé de l’aqueduc principal a été vendu à perpétuité, et les acquéreurs ont tout droit de revendre ces prises d’eau, d’en réunir plusieurs ou de les diviser et de les débiter en détail. C’est en un mot une propriété immobilière avec tous les droits et les privilèges qui sont inhérens à la propriété. Le prix moyen en était, il y a quelques années, de 4,000 francs par mètre cube journalier. Au reste ce mode de concession perpétuelle n’est pas inconnu à Rome. Il n’est pas difficile d’en trouver d’autres exemples en dehors de l’Italie. Ainsi les eaux de Moncada, qui arrosent Barcelone depuis 1824, furent divisées en petits filets que l’administration municipale vendit aux habitans,