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informes d’une civilisation antéhistorique. Considérée au point de vue topographique, la Champagne apparaît sous forme de plaines médiocrement ondulées que découpent des vallées à pentes douces et peu profondes. Si les plaines sont arides, c’est que le sol en est très perméable et que les eaux de pluie pénètrent à l’intérieur sans presque en humecter la surface ; mais ces eaux se réunissent à quelques mètres au-dessous en une nappe d’eau continue, et chaque fois qu’un pli de terrain descend plus bas que le niveau de cette nappe, elle s’épanche en une source intarissable. Les sources sont d’autant plus abondantes qu’elles sont plus rares ; la population s’est groupée tout au long des cours d’eau. Cette même nappe qui suit les pentes du banc de craie vient passer sous Paris à 500 mètres de profondeur, c’est elle qui alimente les puits artésiens de Grenelle et de Passy ; mais elle s’échauffe outre mesure au contact des couches intérieures du globe, et d’ailleurs il n’est pas commode de l’aller chercher si bas.

Les premières sources du terrain crayeux que la ville de Paris acquit en Champagne furent celles de la Dhuis et du Surmelin, petites rivières qui se jettent dans la Marne, à peu de distance de Château-Thierry. Il était question aussi de dériver les sources de la Somme-Soude, autre affluent de la Marne plus éloigné. Ce que ce projet rencontra d’oppositions en Champagne, il est à peine besoin de le rappeler. On voulût faire croire que les rivières dont il s’agissait seraient asséchées en été, qu’elles conserveraient à peine un filet d’eau en hiver, que les terres riveraines seraient condamnées par la sécheresse à une affreuse stérilité, et que les habitans n’auraient plus d’autre ressource que d’aller vivre ailleurs. Que les possesseurs des sources en exagérassent l’influence sur la fertilité du pays, il n’y avait rien de surprenant, car l’eau étant une marchandise, il est naturel que le détenteur la surfasse afin de la vendre à plus haut prix. Il est au moins étonnant que, pour faire obstacle aux projets de dérivation, on ait voulu prétendre aussi que les sources des terrains crayeux étaient malsaines, malignes, engendraient de graves endémies. Les propriétaires du sol et des usines auxquels la dérivation projetée causait un dommage évident furent indemnisés à prix d’argent ; quant aux autres objections ; il n’en fut pas tenu compte. Toutefois il fallut abandonner ou du moins ajourner le projet de la Somme-Soude, qui alarmait trop les populations. L’aqueduc de la Dhuis fut seul établi ; un immense réservoir creusé sur les hauteurs de Belleville reçut ses eaux, qui, depuis le 1er octobre 1865, concourent à l’approvisionnement de Paris à raison de 40,000 mètres cubes par jour. Cet aqueduc est un long canal d’environ 130 kilomètres d’étendue, le plus souvent