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objets dont il a la responsabilité directe. L’exposition combinée des manufactures de Sèvres et des Gobelins est un chef-d’œuvre de goût, d’ordonnance et d’harmonie. Fera-t-on moins pour des tableaux et des statues que pour des porcelaines, des faïences et des tapis ? Jamais cependant les œuvres envoyées par les artistes n’avaient été moins nombreuses, 1,043 en tout, y compris les lithographies et les gravures. Ce chiffre restreint rendait l’aménagement facile et les conditions d’agencement bien aisées à obtenir. On devait aux artistes, on devait au public, qui paie et qui est en droit d’être exigeant, de faire une exposition, je ne dis pas luxueuse, mais convenable, en rapport avec la situation que nous avons dans le monde et avec notre amour-propre national, qu’un pareil état de choses froisse singulièrement. Quant à la sculpture, on l’a remisée dans le jardin central, qui devait contenir, disait-on, des plantes exotiques, mais qui ne contient que des rosiers et des chaises. Que sous le soleil et la pluie on ait dressé des marbres et des bronzes, cela peut se concevoir ; mais qu’on ait exposé des modèles en plâtre, — le Joueur de luth, le Narcisse de M. Dubois par exemple, — c’est ce qu’il est difficile d’imaginer et qui n’est que strictement vrai ! De plus les salles réservées à nos beaux-arts ne sont même pas respectées ; le 30 avril, voulant aller voir la restauration de l’Acropole d’Athènes par M. Botte et les plans de Khorsabad de M. Thomas, j’ai trouvé les portes barrées par une corde, gardées par des sergens de ville et interdites au public. En effet, les membres du jury pour les instrumens de musique s’étaient établis dans un des salons consacrés à l’architecture, pour y essayer des trombones, des timbales et des ophicléides.

Que ceci serve donc de leçon aux artistes, et qu’ils comprennent enfin ce qu’on ne cesse de leur répéter depuis si longtemps. Ils perdent tout à n’être pas libres, à ne pas s’occuper eux-mêmes de leurs affaires, à ne pas préparer leur exposition selon leur goût, selon leur volonté, au besoin selon leur caprice. Qu’ils entrent dans les salles réservées à l’industrie, qu’ils regardent comment les Barbedienne, les Christophle, les Bapst, les Deck, les Touron, les Hachette ont arrangé leurs vitrines ; ils comprendront alors que le premier devoir du producteur est de veiller lui-même sur le sort de ses produits, et que c’est les compromettre que de les confier aveuglément aux soins d’une administration quelconque, cette administration eût-elle les mains pleines de récompenses honorifiques et de fructueuses commandes. Voilà cent quatre-vingt-quatorze ans que la première exposition des beaux-arts a eu lieu à Paris, et depuis ce temps, depuis 1673, on n’a pas pu construire un local spécialement destiné à ces grandes fêtes de l’esprit et des yeux. Nous