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Rejtan couché devant la porte, empêchant les députés de sortir, protestant contre l’infamie accomplie et refusant de quitter la salle des séances, d’où bientôt il va être emporté, devenu subitement fou de douleur et destiné à mourir misérablement après avoir avalé du verre de vitre broyé ; mais alors pourquoi nous montrer l’ambassadeur russe Repnin, qui abandonna Varsovie en 1770 ? Pourquoi, à côté du maréchal de la diète, avoir placé ce jeune S. P., qui à cette époque n’avait guère que huit ou neuf ans ? Pourquoi son père, le terrible wojewode est-il là, puisqu’il était mort ? Si le grand hetman de la couronne prend part à cette scène, nous sommes donc à la diète de Grodno en 1793 ? Je le croirais, puisque voilà le vice-chancelier qui y joua un rôle. Tout est confusion et chaos dans cette composition, que le peintre n’a pas su généraliser jusqu’à en faire une allégorie, et qu’il a rendue extraordinairement obscure en voulant lui conserver le caractère d’un tableau historique. Il faut savoir choisir et ne pas mêler deux genres différens qui se contredisent l’un l’autre. De plus la confusion est encore augmentée par l’ordonnance générale, qui est tassée, ramassée, sans perspective explicable, sans air, sans espace. La salle où se meuvent les personnages est tellement resserrée qu’elle ne peut visiblement les contenir. Le dernier des perspecteurs aurait appris à M. Matejko à faire fuir les murailles, à reculer les fonds et à ne pas laisser croire qu’une diète convoquée pût tenir ses séances dans un local qui ressemble au cabinet particulier d’un restaurant ; sous ce rapport, l’effet, qui eût pu être considérable, est absolument manqué. La coloration générale est extrêmement vigoureuse, mais poussée vers les tons noirs avec un abus qui déjà avait été justement reproché au Skarga, Cela tient, je crois, aux couleurs particulières, aux laques allemandes que M. Matejko emploie, et qui presque toujours outre-passent le ton que l’artiste a voulu obtenir. La touche fouettée fait moutonner la peinture, lui ôte toute simplicité, et rend la facture beaucoup plus prétentieuse qu’il ne convient. La part des reproches une fois faite, nous devons dire que toute cette toile dénote un vif talent pour le portrait. Il y en a là quatre ou cinq qui sont remarquables ; les personnages gagneraient singulièrement à être isolés et mis en cadre, la plupart sont de véritables créations que nul peintre ne répudierait. Je citerai entre autres le maréchal de la diète dans son costume rouge, le jeune S, P. portant le cordon bleu, le wojewode, qu’on avait surnommé le roi de Ruthénie et qui s’éloigne en renversant un fauteuil, le primat de Pologne, qui regarde un médaillon impérial, le vieillard qui est assis près de lui et le faible Stanislas-Auguste. Le personnage le moins bien réussi est le plus intéressant, c’est Rejtan ; celui-là, on peut le nommer. Couché en