Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoiqu’ils aient cet air de ressemblance vague qui est le signe distinctif des hommes de même race, ils ont des physionomies différentes, modelées par leurs passions particulières et animées d’expressions diverses correspondant aux mobiles qui les font agir. Cela n’est pas un mince mérité, et il est assez rare pour devoir être spécialement remarqué. Dans le Bourgmestre van Ursel haranguant la garde bourgeoise, cette qualité apparaît avec force. La même pensée agit évidemment sur tous les personnages, qui, par cela seul, se trouvent en communion directe les uns avec les autres ; néanmoins chaque tempérament se fait jour, imprime un caractère particulier à chaque individu, et suffit à rompre la monotonie de la composition. On connaît la facture de M. Leys ; elle est ample et nourrie ; son dessin n’a point de sécheresse, et sa touche, qui est extrêmement grasse, parvient sans efforts apparens à un modelé d’une extrême solidité. Cependant un de ses derniers tableaux, la Sortie de l’église, me semble un peu lâché ; je ne retrouve plus là cette facture serrée et forte que M. Leys semble avoir empruntée aux vieux maîtres de la Flandre, et qui est une des meilleures parts de son talent. Cette toile est loin de valoir la Promenade hors des murs (1855) : or M. Leys sait parfaitement que le fini est une de ses qualités dominantes, et qu’une œuvre d’art doit comporter toute la somme d’efforts dont un artiste est capable.

M. Ferdinand Pauwels marche sur les traces de M. Leys ; il ne l’atteint pas, mais il le continue sans cependant l’imiter. Sa façon est plus dégagée que celle du maître ; on dirait que M. Pauwels, tout Flamand qu’il est par ses conceptions plastiques, aimerait, par son exécution, à se rapprocher de la manière italienne. Ce n’est pas un reproche, loin de là. M. Leys peint les têtes dans leur brutale naïveté, il s’inquiète peu qu’elles soient belles, pourvu qu’elles soient dans la donnée probable, il cherche le portrait ; M. Pauwels a au contraire une tendance manifeste à les idéaliser. Le style un peu raide de M. Leys ne lui convient pas, il s’y trouve mal à l’aise, il l’assouplit, le façonne à sa guise et l’amollit souvent. Les figures de M. Leys ont la rigidité de l’histoire, celles de M. Pauwels ont la grâce d’une fantaisie élevée où l’afféterie disparaît sous la recherche d’une noblesse à la fois pleine de charme et de sérieux. La Veuve de van Arteveld est son meilleur tableau. L’artiste a su tirer un habile parti des oppositions de nuances ; la coloration, bien que très sobre, est d’une vigueur remarquable. La pose des personnages est excellente, surtout celle de la veuve et des enfans apportant les trésors de celui qui fut la victime de l’aveugle et violente absurdité du peuple qu’il sauvait. C’est la première fois, je crois, que M. Ferdinand Pauwels expose en France ; il faut espérer que