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sur le front, des soleils et des croissans de métal précieux (ce qui sentait l’idolâtrie), sans oublier les flacons de parfum et les amulettes, et en se couvrant d’amples tuniques et de mantilles éclatantes. On dirait que les Juives d’alors avaient déjà ce goût prononcé pour les parures originales et voyantes que l’on peut remarquer si souvent chez leurs descendantes. Cette grande prospérité, à laquelle s’associait un relâchement déplorable dans les mœurs et dans la stricte fidélité à Jéhovah, fait au prophète l’effet d’un sinistre présage. Juda s’attire un châtiment terrible, et en effet l’orage se forme dans le lointain. Les derniers jours de Yotham furent assombris par la nouvelle que l’alliance était définitivement conclue entre le roi syrien Rezin et le roi éphraïmite Pékah. Il mourut avant que cette alliance fût devenue offensive de fait, mais le poids de cette situation aggravée retomba sur son fils et successeur Achaz.

Achaz ne fut ni indifférent en religion, ni aussi attentif que son père, à ménager le parti monothéiste. A l’exemple de bien d’autres rois de Juda, il pratiqua l’idolâtrie, favorisant par son adhésion le culte de Baal, aux rites impudiques, et celui de Moloch, aux monstrueux sacrifices. Nous savons aujourd’hui par quelle transition à peine sensible un Israélite de ce temps-là passait de l’adoration de Jéhovah invisible à celle de Jéhovah représenté par un jeune taureau d’or, puis de cette idolâtrie dérivée d’un vieux culte solaire aux religions congénères de Baal ou de Moloch. Il n’en est pas moins vrai qu’on doit se demander ce qui poussait si souvent les rois israélites à rompre avec le culte national proprement dit, au risque d’indisposer gravement l’élite religieuse et morale de leur peuple. Il peut y avoir à cela plus d’une raison. D’abord il ne faut pas oublier qu’en définitive les cultes idolâtriques parlaient plus fortement, plus tragiquement surtout à la conscience religieuse, encore si peu développée, que le culte de la Divinité invisible ; ils épaississaient, selon le mot d’une femme illustre, ce que le spiritualisme jéhoviste menaçait de faire évaporer. Les femmes surtout étaient dévotement idolâtres, et il n’est pas douteux que plus d’une fois l’exemple d’idolâtrie donné par le roi fut salué par les sympathies populaires. En second lieu, l’esprit républicain du prophétisme et les limites que cette espèce de représentation nationale mettait à leur pouvoir absolu provoquèrent souvent chez les rois le désir de s’émanciper en minant les croyances qui servaient de point d’appui aux prophètes dans la conscience populaire. Enfin il faut avouer que le vieux point de vue israélite sur la coïncidence nécessaire de la fidélité à Jéhovah et de la prospérité matérielle mettait souvent la foi monothéiste à de rudes épreuves dans un temps et dans des pays où l’on se décidait régulièrement pour le culte de la divinité qui paraissait la plus puissante. Il suffisait que des revers