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Palestine, le territoire de Juda particulièrement, servirait de champ clos aux armées de l’Assyrie et de l’Égypte, qui ne pouvaient manquer de se mesurer bientôt. Ses conseils et ses exhortations tendirent par conséquent à rassurer le roi et le peuple quant à l’issue fatale de cette terrible crise, en même temps que, fidèle au thème prophétique, il montrait dans les calamités présentes ou menaçantes la punition attirée par les péchés du peuple. Pour donner un spécimen de cette prédication si originale, nous parlerons des noms qu’il donna aux trois fils qui lui naquirent pendant cette période agitée.

Son premier-né, ou du moins celui dont il est questiont en premier lieu, reçut le nom de Chear-Yacoub, c’est-à-dire un reste se convertira[1]. C’est lui qu’Esaïe amena devant Achaz pour le rassurer en rappelant à ce prince que, si le peuple de Jéhovah pouvait être rudement châtié, il était indestructible, en ce sens qu’il en resterait toujours une élite dont la conversion serait suivie du retour de la protection divine. Le roi ne devait donc pas croire que Rezin et Pékah s’empareraient de Jérusalem comme du reste du pays. Peu après le prophète donna un autre signe au roi désespéré[2] ! , « La jeune femme, dit-il en désignant évidemment son épouse, la prophétesse comme il l’appelle un peu plus loin, la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et le nommera Emmanuel. » Ce nom signifie Dieu avec nous, et devait symboliser la protection toute-puissante qui préserverait Juda de sa destruction totale. « Avant que l’enfant, ajouta-t-il, sache rejeter le mal et choisir le bien, le pays dont les deux rois t’épouvantent sera abandonné… En ce temps-là,


« Jéhovah sifflera pour appeler — les moustiques qui sont à l’extrémité du fleuve d’Égypte — et les guêpes du pays d’Assour. »


En d’autres termes, les Assyriens et les Égyptiens ne tarderont pas à faire diversion à l’invasion syro-éphraïmite. Au point de vue prophétique, les peuples qui influent en bien ou en mal sur la destinée des Israélites n’ont pas été créés pour autre chose que pour servir d’instrumens aux vengeances et à la faveur de Jéhovah. Enfin le prophète eut encore un fils et l’appela Maher-Challal-Hach-Baz, c’est-à-dire prompt butin, rapide pillage, « car, dit-il, avant que l’enfant sache dire mon père et ma mère, on portera les richesses de Damas et le butin de Samarie devant le roi d’Assour. »

Ces citations me semblent propres à faire bien comprendre ce qu’il y avait d’actuel, de vigoureux, de passionné, chez ce voyant

  1. VII, 3.
  2. VII, 14.