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publier l’année de grâce du Seigneur, — le jour de la vengeance de notre Dieu, — consoler tous ceux qui pleurent… »


Y a-t-il donc dans la situation de l’empire chaldéen des signes précurseurs d’une révolution quelconque ? Oui, il y en a ; du moins les yeux perspicaces en discernent déjà. Depuis l’an 558 environ, des bruits étranges circulent dans Babylone. On dit qu’un nouveau peuple dominateur se révèle. Déjà le royaume des Mèdes est ébranlé par ce peuple, naguère encore son vassal. Les Perses, ainsi s’appellent les nouveaux conquérans, sont sortis de leurs âpres montagnes sous la conduite d’un jeune chef que ses débuts dans la guerre élèvent déjà au rang des grands capitaines. Entendez-vous les nouvelles qui font palpiter le cœur des ennemis de Babylone ? Un des membres du trio monarchique et oppresseur qui écrasait l’Asie occidentale est déjà brisé. De suzerains, les Mèdes sont devenus vassaux. Au tour de Crésus de Lydie maintenant ! Cyrus, tel est le nom du jeune chef, aspire à la domination universelle ; mais Babylone sera la dernière attaquée, il le faut, car elle est la plus forte, et avant de l’attaquer de près Cyrus doit être maître des autres pays. Ah ! les Juifs infidèles maudissaient leurs prophètes, les traitaient de menteurs annonçant le faux et l’impossible. Ils leur demandaient ironiquement où donc se cachait ce protecteur-vengeur, cet « oint du Seigneur » ou « messie » qu’on leur avait si souvent promis et qui n’était jamais venu. L’oint du Seigneur, le messie, le voilà, c’est Cyrus[1]. Ne vous étonnez pas de ses succès constans : Dieu combat avec lui, et tous ces événemens n’ont pas d’autre but que de donner la suprématie à celui qui doit rendre la liberté au peuple juif.

On peut entendre en effet dans la seconde partie du livre d’Ésaïe les échos que chaque progrès du jeune héros perse faisait retentir dans les cœurs aigris des exilés. On ne peut pas douter que Cyrus, dont l’ambition, décuplée par ses premiers succès, embrassait toute l’Asie dans ses perspectives de conquête, ne se fut de bonne heure ménagé des intelligences parmi ces populations transplantées malgré elles au cœur même de cet empire babylonien, qu’il se réservait d’attaquer après en avoir fini avec l’empire mède et l’empire lydien. Ses avances secrètes ne purent trouver nulle part de terrain mieux préparé que chez les Juifs. Ce qui devait les confirmer dans leurs sympathies, et ce qui n’avait pu échapper à des hommes habitués à envisager les événemens politiques du point de vue religieux, c’est que Cyrus et son peuple n’étaient pas des idolâtrés comme les

  1. Chap. XLV, 1.