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folie du 24 août. Moins que jamais la noblesse polonaise se sentait disposée à laisser passer l’occasion d’affirmer ses droits en les étendant, de faire reconnaître ses libertés. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que tous ces esprits légers et corrompus qui avaient ourdi le drame de Paris ne se doutaient pas de la portée de ce qu’ils avaient fait ; ils croyaient ou ils feignaient de croire que rien n’était changé, et, la main encore trempée de sang, Charles IX écrivait : « Je me sens, grâce à Dieu, mes forces et mes moyens plus gaillards et plus assurés que jamais pour les employer au secours de mes amis. » Ces tristes meurtriers, sans prévoyance et même sans fanatisme, semblaient ne pas se rendre compte des conséquences extérieures de leur action. Quand ils s’en aperçurent, ils reculèrent devant leur œuvre, ils se mirent à l’atténuer, à l’expliquer ; aux uns ils disaient que Coligny conspirait, aux autres que c’était une collision de hasard, un emportement populaire. Au fond, la Saint-Barthélémy avait frappé d’un coup irréparable la politique française. Aptes cela, l’élection de Pologne n’avait plus le même caractère. Tout ce qui en faisait une virile et prévoyante combinaison avait disparu, et la royauté du frère de Charles IX n’était qu’un accident plus ou moins heureux, une fantaisie d’ambition satisfaite, un succès frivole.

Ce ne fut rien de plus, — un roman assez terne jeté au milieu des émouvantes agitations du temps, une aventure qans suite et sans durée, où le duc d’Anjou se trouvait d’ailleurs engagé sans entraînement, et où il semblait se dégoûter du but à mesure qu’il en approchait. Quand la députation polonaise qui était chargée de lui remettre les actes de son élection, et qui se composait de douze ambassadeurs suivis de plus de deux cents gentilshommes, arriva à Paris, Henri, qui revenait du siège de La Rochelle, où il avait fait une assez piètre figure, ne se montrait pas fort pressé de partir. Bien des choses le rebutaient dans sa situation nouvelle. D’abord les conditions que la gentilhommerie polonaise lui imposait, et que l’évêque de Valence avait été obligé d’accepter, ne lui plaisaient guère. Je ne parle pas seulement de toutes les restrictions dont on entourait l’autorité royale. Un article surtout lui était dur, la liberté religieuse, la paix entre les dissidens. Il voulut éluder. On essaya même de jeter la division parmi les ambassadeurs, dont l’un, l’évêque de Posen, ne demandait pas mieux que d’abandonner cet article. Un moment, on crut avoir réussi ; mais la condition était si formelle qu’il n’y eut pas moyen de se réfugier dans l’équivoque, et c’est alors que Jean Zamoyski, l’un des ambassadeurs, prononça ce mot qui tranchait tout : Jurabis aut mn regnabis Il fallut jurer. Puis au fond, en dehors de ces raisons politiques ou