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la grande capitale religieuse, se donne tout entière aux émotions idéales des cérémonies mystiques. Elle canonise des saints ; elle attire à elle une population de cent mille étrangers ; à ces spectateurs ameutés par la curiosité ou touchés par la croyance, elle montre son vieux pape infatigable, entouré de plusieurs centaines d’évêques et de plusieurs milliers de prêtres, toujours prêt à répéter les mêmes gémissemens et les mêmes exhortations, et promettant la réalisation d’un vrai miracle en ce siècle, la réunion d’un concile œcuménique. Pendant ce temps, l’illuminé de la démocratie militante semble préparer une démonstration antipapiste et hésiter cependant devant les solennités dont la Rome chrétienne est le théâtre. Peut-être l’apparition d’une bande sur la frontière romaine n’était-elle qu’une manœuvre pour entraîner Garibaldi à une aventure inconsidérée. En attendant le vieux général condottiere se contente de grommeler en réponse à ceux qui l’interrogent quelques imprécations contre le clergé et contre les politiques fiscaux qui préparent au pauvre peuple un surcroît d’impôts. Notre époque a des facultés singulières ; elle emporte dans le même tourbillon tous les scepticismes, tous les enthousiasmes. Elle sait vivre avec le pape et avec Garibaldi, et l’on ne peut dire que son impartialité soit sans puissance et sans vertu, car c’est l’ascendant de cette impartialité qui empêche aujourd’hui en Italie le conflit des fanatismes, qu’elle y contient.

On suit en ce moment le travail intérieur de l’Autriche avec une sympathie qui n’est point sans être mêlée d’espérance. La cérémonie du couronnement de l’empereur comme roi de Hongrie a été un véritable succès ; grâce à cette réconciliation émouvante des Magyars et de celui dans lequel ils ne reconnaissent que leur roi, on dirait qu’un esprit nouveau est communiqué à l’Autriche, et qu’un peuple demeuré trop longtemps en séquestre est rendu à la vie européenne. Les choses paraissent sous un aspect moins brillant quand on les considère du point de vue de Vienne. La vieille capitale autrichienne n’est point la patrie de l’enthousiasme ; elle est rieuse, moqueuse, peu crédule. M. de Beust, qui donne a son souverain de si bons conseils, est peut-être un moins grand homme à Vienne qu’à Pesth. Il ne trouve point l’élément allemand complaisant, et doit beaucoup compter avec lui. Cependant les satisfactions données à la Hongrie devraient être approuvées par toutes les grandes races qui forment l’empire. Si l’expérience qui se tente en Hongrie réussit, comme nous en avons l’espoir, cet exemple heureux sera utile non-seulement à l’ensemble de la monarchie, mais à chacune des grandes races qui la composent. Toutes les grandes divisions régionales de l’Autriche pourront être préparées à exercer leurs autonomies particulières dans l’unité d’une monarchie fédérative. — Les diverses nationalités autrichiennes peuvent trouver un grand ressort dans cette honnête et libérale forme fédérale bien préférable aux hypocrisies énervantes du patronage russe et à la rudesse de l’ascendant prussien. Une chose, quoi qu’il arrive,