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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

tout, elles tranchent dans les questions de l’église, et sèment en tous lieux la discorde. Que de bonnes œuvres, que de saintes inspirations neutralisées à cause d’elles ! Quelqu’un les a regardées de travers, aussitôt la colère plisse le front du prêtre, la rancune entre dans son cœur. Oh ! je vous en prie, mes frères, je vous en supplie à genoux, réveillons-nous de cette honteuse ébriété, reprenons possession de nous-mêmes, prêtres que nous sommes ! et reconnaissons l’honneur que Dieu nous a fait en nous, créant ses ministres.

Saint Paul disait : « Ne soyez pas esclaves des hommes, » moi je vous dirai : Cessons d’être esclaves de femmelettes qui nous entraînent avec elles à la perdition. Le Christ veut que sa milice se recrute soldats vaillans, d’athlètes vigoureux que la lutte laisse debout, il ne nous a pas munis des armes spirituelles, pour que nous vivions serviteurs de filles misérables parmi les laines et les fuseaux. Non, notre mission est de combattre avec les pouvoirs du ciel les puissances invisibles qui nous assiégent, de repousser les phalanges de l’esprit de ténèbres. C’est pour cette guerre que Dieu a ceint nos poitrines de la cuirasse de la justice, nos reins de la ceinture de vérité, qu’il a mis sur nos têtes le heaume du salut, à nos pieds la sandale des apôtres et nous a dit : « Partez, allez enseigner les nations. »

« Entendez-vous là-bas la trompette qui retentit ? L’ennemi donne l’assaut à notre ville, et le clairon appelle ses défenseurs sur la brèche. Tout le monde accourt, sauf un soldat armé qui se renferme dans sa maison et dépose son glaive à terre pour rester assis aux genoux d’une femme. Est-ce que vous le souffrirez ? Est-ce que vous n’enfoncerez pas la porte pour le percer vous-mêmes de vos épées ? Eh bien ! voilà ce que j’essaie vis-à-vis de vous. Il faut vous hâter, car le contact des femmes effémine. Le lion le plus superbe et le plus farouche, quand on lui rase la crinière, quand on lui arrache les dents, quand on lui coupe les ongles, n’est plus qu’un objet honteux et ridicule, un enfant le mène, et il ne lui reste plus que d’inutiles rugissemens. Le prêtre, revêtu d’une force spirituelle, n’est plus qu’une femme quand il a vécu avec des femmes ! »

Et que sera-ce si le prêtre s’est laissé prendre à l’amour de cette fille qu’il a jour et nuit devant les yeux, jour et nuit à ses côtés ? s’il devient jaloux, s’il souffre d’une passion combattue par le devoir ? Que sera-ce encore si le devoir cède à la passion, car l’auteur ne recule devant aucune des hypothèses qui se présentent dans son sujet ? Suivant son expression, il déchire tous les voiles, il perce à jour toutes les cloisons : il va jusqu’à introduire même l’accoucheuse dans ce ménage d’un prêtre et d’une vierge.