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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

cochers du cirque, peuvent en recevoir ; nous, prêtres chrétiens, nous ne le pouvons pas. Je ne m’en plains point pour l’église, mais je rougis que nous l’ayons mérité. » Chrysostome alla plus loin : il conseilla aux riches charitables de distribuer eux-mêmes leurs aumônes sans les faire passer par les mains des clercs, et la riche diaconesse Olympias, « sa chère dame et vénérée fille, » éparpillant son immense fortune en prodigalités à des ecclésiastiques et à des évêques, il l’en réprimanda hautement. Cet acte courageux excita presque un soulèvement dans le corps sacerdotal, même parmi ses chefs, et comme c’était là la source de tout le mal, « la métropole des vices, » suivant le mot de Palladius, tous les abus se coalisèrent pour se venger. La vengeance fut aussi cruelle qu’inattendue, et qui le croirait ? cet homme austère qui prêchait avec tant d’éloquence le désintéressement et la pauvreté, on l’accusa lui-même d’avarice et de rapine.

Succédant à des prélats magnifiques, à Nectaire par exemple, qui avait apporté sur la chaire épiscopale les habitudes et le luxe d’un préfet de la ville, Chrysostome avait mis son orgueil à retrancher tout ce faste dès son début. Plus d’étoffes de soie sur sa personne, plus de brocarts d’or et de pourpre dans son cortége, les étoffes les plus communes pour les siens, et pour lui quelque chose comme un habit de moine, voilà le coup de théâtre dont il surprit Constantinople. On ne manqua pas de crier à la rusticité, à l’avarice sordide, et l’on prétendit que, s’il supprimait à l’égard des autres les libéralités de sa chère diaconesse Olympias, c’était pour se les appliquer à lui seul. Il voulut mettre dans la décoration de ses églises la même simplicité théâtrale que sur sa personne et celle de ses suivans. Les ornemens de soie et d’or qui paraient à son arrivée les autels des basiliques, les tentures de pourpre, les riches habits sacerdotaux, il ordonna de les vendre. Des revêtemens de marbres magnifiques et des colonnes monolithes que Nectaire avait destinés à l’embellissement de l’église d’Anastasie et qui gisaient à terre attendant l’architecte furent aussi mis à l’encan. Il n’y eut pas jusqu’à des vases sacrés d’un prix énorme qu’il ne fît briser et vendre, ne voulant garder que les plus simples. Enfin un petit bien rural dont la conservation dans le patrimoine ecclésiastique lui paraissait difficile et coûteuse, il l’aliéna pareillement. La réforme du personnel dans le palais épiscopal marchait de pair avec celle du matériel dans l’église. Il avait supprimé l’économe, disant que ces gens-là ne savaient que voler, et que, lorsqu’ils étaient prêtres, ils employaient à faire des comptes de cuisine un temps qu’ils devaient aux œuvres de Dieu. J’ai parlé plus haut de la parcimonie de sa table, entretenue par Olympias, et de l’absence de toute réception