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par des actes de violence ou même des assassinats non-seulement vivent à Rome dans l’impunité, mais y sont ouvertement protégés, le saint-père répond, avec cette fermeté qui résulte de l’évidence des faits qui sont sous ses yeux, que cette calomnie est la plus odieuse de toutes celles par lesquelles on a essayé de surprendre la religion de sa majesté et de l’indisposer contre le gouvernement pontifical. Pas un seul des individus dont on veut parler n’est à Rome. Il défie les auteurs de ces imputations aussi vagues que méchantes d’en faire connaître un seul. On les a déjà infructueusement sommés de faire connaître un de ces prétendus chefs. Ils ne l’ont pas pu, ils ne le pourront jamais, le saint-père en est sûr, parce que les individus désignés se gardent bien de venir à Rome, où ils ne seraient pas longtemps sans être reconnus[1]. »


Le fiscal de Rome, appelé Barberi, personnage obscur qui vivait dans l’intimité de Consalvi, avait été particulièrement désigné par le cardinal Fesch comme étant le protecteur avéré des brigands ; ce rôle paraissait lui revenir d’autant plus naturellement, d’après le dire de l’ombrageux ministre de France, que cet homme avait été autrefois, assurait-il, l’un des auteurs du meurtre de Duphot. Il y avait là une étrange confusion de noms qu’avait amenée la légèreté de Fesch. Le ministre du pape avait eu d’abord quelque peine à la démêler. « Mon Dieu ! écrivait-il plus tard au cardinal Caprara, combien ce pauvre Barberi va être étonné ! Il mourra certainement de peur, s’il apprend que l’ambassadeur de France l’a seulement soupçonné d’avoir eu part à l’affaire de Duphot ! »

Sans être bien graves en elles-mêmes, et quoique victorieusement réfutées par Consalvi, ces injustes accusations ne laissaient pas que de rendre plus aigres les rapports entre les deux cours. L’empereur en effet se souciait assez peu des réponses faites aux notes de M. de Talleyrand. Il tenait à conserver tous ses griefs fondés ou non contre le Vatican, et les assurances, quelles qu’elles fussent, d’un ministre qu’il avait résolu de renverser n’avaient plus le don de le convaincre. Un nouveau sujet de discorde ne tarda point d’ailleurs à éclater ; celui-là prenait son origine dans les affaires du royaume de Naples, qui désormais allaient ajouter leurs difficultés propres à celles déjà si considérables de la discussion pendante entre Paris et Rome.


III

Joseph, devenu à peu près maître de toute la partie continentale du royaume des Deux-Siciles, avait officiellement reçu de son frère

  1. Note du cardinal Caprara en réponse a la note de M. de Talleyrand en date du 30 avril 1806.