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que ce n’est pas la cour du roi qui est devenue le parlement, c’est la cour du seigneur. L’institution me semble n’avoir point porté d’abord et habituellement un caractère de centralité. J’ai grand besoin d’examiner tout cela par le menu. » Et le 10 juillet suivant : « Je m’enfonce de plus en plus dans mon travail, mais je ne puis avoir encore d’idées bien arrêtées. Les documens sont si dispersés que tout ensemble est une hypothèse, et il ne faut pas s’y attacher trop tôt. De première vue, il me paraît que le parlement s’est créé peu à peu et ne s’est substitué à rien ; il n’y avait pas une telle chose qu’une cour des pairs ou des barons qui serait devenue un tribunal de légistes. Plus on remonte, plus on trouve un conseil privé qui peu à peu prend un caractère et des formes judiciaires. Je ne vois pas non plus que ce soit Philippe le Bel qui, ainsi que l’a dit Pasquier, ait rendu le parlement sédentaire et constitué sa forme. Tout ce commencement me coûtera assez de peine, et j’ai peur de me tromper. » Le 29 août 1829 enfin ; peu après, avoir appris la formation du ministère Polignac ; « Je suis tout distrait de ma besogne du parlement, et je n’avais pas besoin, pour cela, du changement de ministère. Je me suis mis à lire les capitulaires, la diplomatique de Mabillon, le recueil de Baluze, etc., de sorte que je fais des recherches, je prends des notes et ne commence pas. Cependant je ne veux pas faire une œuvre de discussion, et après m’être formé une opinion je ne me ferai pas honneur du soin que j’aurai mis à l’étudier. Je poursuis souvent beaucoup de choses qui me seront inutiles ; mais pour bien savoir un point il faut connaître tout ce qui l’environne. »

Le 19 juin 1828, M. de Barante fut élu membre de l’Académie française, en remplacement de M. de Sèze, mort le 2 mai précédent, et il prononça le 20 novembre de la même année son discours de réception. La tâche était difficile : l’acte de courage qui avait si justement illustré le nom de M. de Sèze était plus grand que le reste de sa vie et de ses œuvres ; il fallait le maintenir à la hauteur où s’était placé le défenseur de Louis XVI et ne pas tomber dans l’exagération sur le talent de l’avocat. De plus, M. de Chateaubriand venait de prononcer, à la chambre des pairs[1], l’éloge de M. de Sèze, et quoique son discours n’offrît que çà et là quelques traits de sa brillante et puissante éloquence écrite, la comparaison était dangereuse. M. de Barante porta dignement le poids de cette situation ; son discours fut à la fois grave et ému, élevé sans emphase et au niveau des souvenirs qu’il rappelait, sans aucun effort pour aggraver outre mesure les impressions qu’il avait à réveiller, et qu’il

  1. Le 20 juin 1828.